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Quel contrôle du secret des affaires justifie un refus de communication ?

La Cour de justice de l’Union européenne, se fondant tant sur la directive 2014/241 que sur la « directive recours »2 , apporte des précisions quant au traitement par l’acheteur public et, le cas échéant, par le juge, des informations confidentielles communiquées par un opérateur économique dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public.

Cette décision a été rendue suite à l’initiative de la Cour Suprême de Lituanie, de poser plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union Européenne.

Ce qui a, en particulier, donné l’occasion à la Grande Chambre d’apporter des précisions sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secret des affaires) dans les marchés publics.

Il était, ainsi, question de savoir si un candidat évincé d’un marché public pouvait se voir communiquer, conformément à son droit d’obtenir les caractéristiques et les avantages relatifs à l’offre retenue ainsi que le nom du titulaire, des informations confidentielles.

D’abord la Cour admet que la décision du pouvoir adjudicateur de refuser de communiquer les informations confidentielles, contenues dans l’offre d’un opérateur économique, est une décision susceptible de recours.

Ensuite, la Cour juge qu’en principe, il n’appartient pas au pouvoir adjudicateur de divulguer de telles informations notamment « lorsque leur divulgation serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique particulier, public ou privé, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques. »

Pour autant, pour être protégées par la confidentialité tenant au secret des affaires, il appartient à l’opérateur économique de démontrer le caractère confidentiel de ces informations, qui peut, par exemple, tenir aux secrets techniques ou commerciales.

La Cour précise également, que lorsque le pouvoir adjudicateur entend refuser une demande de communication d’un opérateur économique portant sur des informations confidentielles, il doit motiver sa décision en faisant « apparaître clairement les motifs pour lesquels il considère que les informations auxquelles l’accès est demandé, ou à tout le moins certaines d’entre elles, sont confidentielles », mais il doit aussi de manière neutre communiquer le contenu essentiel de l’offre de l’attributaire.

Si au contraire, dans le cas où le pouvoir adjudicateur ferait droit à la demande de communication, il doit avertir l’opérateur économique bénéficiaire de cette protection, afin de lui permettre de demander soit au pouvoir adjudicateur, soit au juge la prise de mesures provisoires afin « d’éviter qu’un préjudice irrémédiable ne lui soit causé. »

Enfin, s’agissant de l’office du juge concernant le recours de l’opérateur économique contre le refus de sa demande portant sur la communication des informations confidentielles, la Cour souligne qu’afin de statuer sur la confidentialité de ces informations le juge doit y avoir accès, sans avoir à les communiquer à la partie adverse.

Dans le cas où le juge, comme le pouvoir adjudicateur, considérerait que l’information revêt un caractère confidentiel qu’il convient de protéger, la Cour considère que le fait de ne pas communiquer ces informations, ne porte pas une atteinte au principe du contradictoire.

A l’inverse le juge doit pouvoir, lorsqu’il considère qu’il n’y avait pas lieu pour le pouvoir adjudicateur de refuser la demande de communication en raison du caractère confidentiel des informations, annuler la décision de refus et de prendre lui-même une nouvelle décision.

1 Directive 2014/24/UE du 26 février 2014
2 Directive 89/665/CEE du 21 décembre 1989

Sources et liens

CJUE, 7 septembre 2021, aff. C-927/19.

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