Le Conseil d’Etat fixe les règles concernant la durée unique d’une délégation multiservices

Dans le cadre de contrats de délégation multiservices, une durée unique peut être fixée par l’autorité concédante, sous conditions (CE, 17 mars 2025, Commune de Béthune, n° 492664).

Dans cette affaire, la commune de Béthune a conclu avec la société Q-Park France quatre contrats liés à la gestion du stationnement pour une durée de trente ans : une délégation de service public, une concession, un affermage et un contrat commun contenant des stipulations applicables à tous les contrats.

Saisis par la commune d’un recours en contestation de validité de ces quatre contrats, le tribunal administratif de Lille puis la cour administrative d’appel de Douai ont rejeté ses demandes. C’est à l’occasion du pourvoi en cassation formé par la commune que le Conseil d’Etat précise les contours du régime de la délégation multiservices et notamment la durée de ces contrats.

Pour rappel, en 2016, la haute juridiction a jugé qu’il n’était pas obligatoire pour la collectivité publique souhaitant confier à un opérateur économique la gestion de services dont elle a la responsabilité de conclure autant de conventions qu’il y a de services distincts (CE, 21 septembre 2016, Communauté urbaine du Grand Dijon, n° 399656). Les seules limites à ce type de contrat unique ou d’ensemble contractuel étant d’une part que le périmètre dudit contrat ne soit pas manifestement excessif, et d’autre part qu’il n’ait pas pour finalité de réunir des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux.

Le Conseil d’Etat précise cette fois-ci que l’autorité délégante qui souhaite « regrouper au sein d’un même contrat ou d’un unique ensemble contractuel des services différents et de les confier à un même opérateur économique, (…) ne saurait lui permettre de déroger aux règles qui s’imposent à elle pour la dévolution et l’exploitation de ces services ». Dès lors, le moyen tenant à la durée excessive des conventions doit être analysé à l’aune de l’article L. 1411-2 du Code général des collectivités territoriales (disposition que l’on retrouve aujourd’hui à l’article L. 3114-7 du Code de la commande publique). Cet article imposait une limitation dans la durée de la convention de délégation de service public, qui ne pouvait dépasser la durée normale d’amortissement des installations mises en œuvre. Dans ce cadre, le Conseil d’Etat avait précédemment estimé pour une convention « simple » de délégation de service public que « la durée normale d’amortissement des installations susceptible d’être retenue par une collectivité délégante peut être la durée normalement attendue pour que le délégataire puisse couvrir ses charges d’exploitation et d’investissement, compte tenu des contraintes d’exploitation liées à la nature du service et des exigences du délégant, ainsi que de la prévision des tarifs payés par les usagers, que cette durée coïncide ou non avec la durée de l’amortissement comptable des investissements. » (CE, 11 août 2009, Société Maison Comba, n° 303517 ou encore récemment CE, 31 octobre 2024, Commune de Fontainebleau, n° 487995).

Dans l’affaire commentée, le Conseil d’Etat considère que les quatre contrats constituent un « ensemble contractuel indissociable », et confirme qu’ils pouvaient avoir une durée unique de trente ans. L’usage régulier d’une telle durée unique qui n’apparaît pas justifiée pour chaque service doit répondre à certaines conditions. Tout d’abord, le juge analyse si l’exploitation conjointe prévue répond à un objectif de bonne gestion des services en cause. Puis, il regarde si la durée unique prévue peut être regardée comme n’excédant pas la durée normale d’amortissement de l’ensemble des investissements mis à la charge du délégataire, en prenant en compte les contraintes inhérentes à une délégation de service public (contraintes d’exploitations, exigences du délégant, prévision des tarifs payés par les usagers). Pour que le recours à une durée commune soit régulier, il est donc nécessaire que celle-ci soit justifiée au global, au regard de l’ensemble contractuel.

En l’espèce, il était clair que la nature de certains contrats ne nécessitait pas la fixation d’une durée aussi longue (tel était le cas pour la délégation du service relatif au stationnement sur la voirie ou encore l’affermage portant sur le parc de stationnement déjà existant). Toutefois, l’indissociabilité de ces contrats voulue par l’autorité délégante ab initio, qui répondait à un objectif de bonne gestion, justifie la fixation d’une durée unique. Le juge a ensuite évalué si cette durée unique de 30 ans était excessive. Il en conclu, au regard du montant des investissements, des charges d’exploitation et des contraintes d’exploitation imposées au délégataire, qu’elle n’excédait pas la durée normale d’amortissement de l’ensemble des investissements engagés. Le moyen soulevé par la commune sur ce point, ainsi que l’ensemble de sa requête sont donc rejetés.

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