Dans le cadre de la procédure de passation d’un contrat de concession, le Conseil d’Etat admet que la régularisation d’une offre initiale irrégulière n’intervienne que lors de la phase de négociation, et en précise les conditions (CE, 30 décembre 2024, Ciné Espace Evasion, n°491266, mentionné aux Tables).
Dans cette affaire, la société Ciné Espace Evasion, candidate évincée, a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler le contrat de concession conclu le 3 mars 2020 entre la communauté d’agglomération Provence Alpes Agglomération et l’Association de gestion du cinématographe, qui confiait à cette dernière l’exploitation d’un complexe cinématographique.
Selon la candidate évincée, l’offre initiale de la candidate retenue était irrégulière et de ce fait aurait dû être écartée en amont de la phase de négociations, raisonnement auquel le tribunal administratif a fait droit. En effet, la régularisation en cause ne visait pas la simple correction d’une erreur matérielle.
Par un arrêt du 27 novembre 2023, sur appel de l’autorité concédante, la cour administrative d’appel de Marseille ne retient pas cette analyse et a annulé ce jugement.
Saisi en cassation par la société Ciné Espace Evasion, le Conseil d’Etat rappelle les articles L. 3121-1, L. 3124-1, L. 3124-2 et L. 3124-3 du Code de la commande publique pour en dégager une solution qui s’inscrit dans la souplesse des règles de passation entourant les contrats de concession, qui plus est dans la phase de négociation :
« 3. Il résulte de ces dispositions que l’autorité concédante peut librement négocier avec les candidats à l’attribution d’une concession l’ensemble des éléments composant leur offre, dès lors que cette négociation ne conduit pas cette autorité à remettre en cause l’objet de la concession, les critères d’attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. Ces dispositions ne s’opposent pas à ce que, lorsqu’elle recourt à la négociation, l’autorité concédante y admette un soumissionnaire ayant remis une offre initiale irrégulière. Le respect du principe d’égalité de traitement des candidats implique toutefois qu’elle ne puisse retenir un candidat dont la régularisation de l’offre se traduirait par la présentation de ce qui constituerait une offre entièrement nouvelle. En tout état de cause, l’autorité concédante est tenue de rejeter les offres qui sont demeurées irrégulières à l’issue de la négociation. »
En d’autres termes, l’autorité concédante peut admettre un candidat dont l’offre initiale est irrégulière à entrer en négociation, à la condition que la régularisation ne constitue pas une offre nouvelle.
Notons que le Conseil d’Etat va au-delà de la solution dégagée dans sa décision Corsica Ferries selon laquelle l’autorité concédante peut admettre à la négociation un candidat dont l’offre est insuffisante, si cette insuffisance « ne fait pas obstacle à ce que soit appréciée la conformité de l’offre aux exigences du cahier des charges et (…) n’est pas susceptible d’avoir une influence sur la comparaison entre les offres et le choix des candidats qui seront admis à participer à la négociation » (CE, 15 décembre 2006, Société Corsica Ferries, n°298618).