Par un arrêt en date du 20 juillet 2021, le Conseil d’État a jugé que, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, l’audition simultanée de deux témoins – prohibée par les textes – constitue une irrégularité « danthonysable ».
En l’espèce, un agent attaché d’administration de l’État était affecté, depuis le mois de septembre 2011, sur un poste de contrôleur interne financier. Par un arrêté en date du 24 novembre 2017, le ministre de l’Intérieur a décidé de procéder à son licenciement pour insuffisance professionnelle. L’agent a alors saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d’une demande tendant à l’annulation de cette décision ; laquelle demande a été rejetée. Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement de première instance, ainsi que l’arrêté en litige, et enjoint au ministre de l’Intérieur de réintégrer l’agent. Le ministre s’est alors pourvu en cassation devant le Conseil d’État.
Dans sa décision, le Conseil d’État rappelle tout d’abord le principe de l’interdiction d’une audition simultanée de témoins dans le cadre d’une procédure disciplinaire prévue par les dispositions de l’article 5 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’État :
« 3. Aux termes de l’article 70 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat : » Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire (…) « . Aux termes du premier alinéa de l’article 3 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l’Etat : » Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins (…). Le droit de citer des témoins appartient également à l’administration « . Aux termes de l’article 5 du même décret : » Le conseil de discipline entend séparément chaque témoin cité. / A la demande d’un membre du conseil, du fonctionnaire poursuivi ou de son ou de ses défenseurs, le président peut décider de procéder à une confrontation des témoins, ou à une nouvelle audition d’un témoin déjà entendu (…) « . »
Il admet cependant que le vice tiré de l’audition simultanée de plusieurs témoins dans le cadre d’une procédure disciplinaire puisse être « danthonysé », et rappelle à cet égard le considérant de principe de son désormais célèbre arrêt « Danthony » du 23 décembre 2011 (n°335033) dans lequel il a jugé que :
« Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s’il a privé les intéressés d’une garantie ».
En l’espèce, le Conseil d’État relève qu’« il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, au cours de la séance du conseil de discipline consulté sur la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle envisagée à l’égard de M. A…, les témoins cités par l’administration, respectivement le secrétaire général et le directeur des ressources humaines de la préfecture au sein de laquelle M. A… était affecté, ont été appelés simultanément et ont témoigné en présence l’un de l’autre, en méconnaissance des dispositions de l’article 5 du décret du 25 octobre 1984 citées au point 3. ».
Or, en jugeant que cette irrégularité avait, par elle-même, privé l’agent d’une garantie, sans toutefois rechercher si, en l’espèce, cette méconnaissance avait, eu égard aux fonctions exercées par les témoins, à l’origine de leur citation et à la teneur de leurs propos, effectivement privé l’intéressé de la garantie qui s’attache à la sincérité des témoignages, le Conseil d’État estime que les juges d’appel ont entaché leur arrêt d’une erreur de droit.
Le Conseil d’État ayant renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Lyon, il appartiendra à cette dernière d’apprécier si le vice de procédure précité a effectivement privé l’intéressé de la garantie qui s’attache à la sincérité des témoignages.