Le projet de liaison ferroviaire directe entre l’aéroport Roissy Charles de Gaulle et la Gare de l’Est a été déclaré d’utilité publique par un arrêté inter-préfectoral du 19 décembre 2008.
La réalisation de ce projet restait soumise à l’octroi d’une autorisation environnementale unique rendue nécessaire au titre de la police sur l’eau, des sites Natura 2000 et de l’interdiction de porter atteinte aux espèces et habitats protégés.
Cette autorisation a été accordée par un arrêté inter-préfectoral du 11 février 2019 qui permet notamment de déroger à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées prévue par l’article L. 411-1 du code de l‘environnement.
Saisi par la commune de Mitry-Mory qui est concernée par le tracé du projet de ligne ferroviaire, le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 9 novembre 2020, annulé l’autorisation environnementale unique en tant qu’elle vaut autorisation de déroger à l’article L. 411-1 du code de l’environnement.
Le tribunal a en effet estimé que le projet ne répond pas à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens de l’article L. 411-2 4° du code de l’environnement.
D’une part, le tribunal a rappelé que le projet de liaison ferroviaire a été principalement conçu pour permettre d’absorber la croissance des flux aériens et assurer la réussite des Jeux Olympiques prévus en 2024.
Or, pour les magistrats montreuillois cet intérêt ne tient plus du fait des conséquences de la crise sanitaire sur le trafic aérien et du retard pris par le projet qui ne pourra être achevé pour 2024.
Ils ont ainsi retenu que l’intérêt initial du projet tenant à l’absorption de l’augmentation du trafic aérien et à l’objectif de réussite des Jeux Olympiques 2024 avait disparu du fait de la crise mondiale sanitaire dont rien ne dit qu’elle ne présenterait qu’un caractère transitoire et conjoncturel :
« Il est toutefois constant qu’en raison de la crise sanitaire mondiale, l’activité aéroportuaire a été suspendue pendant plusieurs mois au printemps 2020 et que sa reprise s’est effectuée à compter du mois de juin 2020 sur une base très réduite, équivalente à environ 10% de l’activité antérieure. En l’absence de tout élément permettant, à la date du présent jugement, de regarder cette situation comme purement transitoire et conjoncturelle, il ne résulte pas de l’instruction qu’une reprise de la croissance du trafic aérien puisse être anticipée à la date prévisible de mise en service de l’infrastructure litigieuse. En outre, il ne peut pas être sérieusement contesté que la ligne CDG Express devait, entre autres objectifs, contribuer à la réussite des Jeux olympiques 2024, pour lesquels il est désormais acquis que cette infrastructure ne sera pas réalisée. Par suite, à la date du présent jugement, le projet litigieux ne peut être justifié ni par la raison impérative de suivre la croissance des flux de voyageurs, ni par celle d’honorer les prévisions du dossier de candidature de Paris à la manifestation sportive de 2024. »
D’autre part, le tribunal administratif a considéré que les autres avantages attendus du projet du Charles de Gaulle Express, à savoir l’amélioration du confort des voyageurs du quotidien du RER B, la diminution sensible du trafic routier, le renforcement de l’attractivité de la Capitale et de sa région ainsi que la création d’une liaison fiable et ponctuelle entre le centre de Paris et l’aéroport n’étaient pas établis par les éléments de l’instruction.
En conséquence, le tribunal a annulé l’autorisation environnementale accordée le 11 février 2019 en tant qu’elle permet de déroger à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées.
Cette appréciation stricte du tribunal administratif de Montreuil paraît plus restrictive que celle du Conseil d’Etat qui avait, par exemple, estimé que le projet de réouverture de la carrière de Nau Bouques répondait à une raison impérative d’intérêt public puisqu’il permettait notamment la création de plus de quatre-vingts emplois directs et s’inscrivait dans le cadre des politiques économiques menées à l’échelle de l’Union européenne (Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 03/06/2020, n° 425395).
La cour administrative d’appel de Versailles et/ou le Conseil d’Etat pourraient éventuellement adopter une solution différente en cas de recours.