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Le caractère définitif du décompte général contenant des réserves chiffrées

Par une décision du 28 mars 2022, le Conseil d’État précise que les réserves chiffrées au sein d’un décompte général définitif peuvent être déduites du solde du marché au titre des sommes dues à son titulaire.

1. En 2011, la commune de Sainte-Flaive-des-Loups, qui avait entrepris la transformation d’une grange en bibliothèque, a attribué le lot n°1 « démolition-gros œuvre » à la société MC Bat.

Certaines prestations n’ont pas été achevées et ont donné lieu, lors de la réception de l’ouvrage, à des réserves. La date limite d’achèvement des travaux de reprise avait été fixée au 15 septembre 2012.

L’entreprise avait réalisé ces travaux mais la commune avait maintenu ses réserves au motif que les travaux n’étaient pas conformes au marché.

La commune avait alors transmis, à l’entreprise, par l’intermédiaire du maître d’œuvre, un document appelé « décompte général » dans lequel elle avait déduit la somme de 17 979,64 € TTC au titre des travaux portant sur les réserves qu’elles n’avaient pas levées.

L’entreprise l’avait contesté, et avait fini par saisir le tribunal administratif de Nantes, afin que lui soit réglée le solde du décompte soit un montant de 26 462,18 € TTC assorti des intérêts moratoires et de leur capitalisation.

Le tribunal administratif, puis la cour administrative d’appel, avaient fait droit à cette demande.

En effet, la cour administrative d’appel a jugé que le refus de lever une partie des réserves ne l’autorisait pas à opérer d’office, dans le décompte général, une réfaction sur le montant total du marché à hauteur du prix des travaux qu’elle estimait nécessaires pour réparer les malfaçons au motif qu’ en cas de non-réalisation des travaux de reprise la commune pouvait soit faire exécuter ces travaux, en application de l’article 41.6 du CCAG Travaux, aux frais et risques de la société MC Bat, soit renoncer, dans les conditions fixées à l’article 41.7 du CCAG Travaux, à ordonner la réfection de l’enduit extérieur et opérer, en accord avec la société MC Bat, une réfaction sur le prix.

2. Le Conseil d’État saisi du pourvoi de la commune a annulé l’arrêt rendu au motif que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant que malgré l’inscription dans le décompte général et définitif d’une somme correspondant aux travaux ayant fait l’objet de réserves non levées, la commune maître d’ouvrage ne pouvait pas se prévaloir d’une créance correspondant à cette somme à l’encontre du titulaire au motif que ces travaux n’avaient pas été réalisés.

Le Conseil d’Etat rappelle que le décompte général contient toutes les conséquences financières de l’exécution du marché qui sont retracées même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales, notamment toutes les réserves émises lors de la réception qui n’ont pas été levées, et que ces réserves ainsi mentionnées dans le décompte peuvent être chiffrées ou non.

À défaut, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation des sommes correspondant à ces réserves.

Sur les réserves non chiffrées, il précise que le décompte ne devient « définitif que sur les éléments n’ayant pas fait l’objet de réserves ».

En revanche « lorsque le maître d’ouvrage chiffre le montant de ces réserves dans le décompte et que ce montant n’a fait l’objet d’aucune réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité, les sommes correspondant à ces réserves pouvant être déduites du solde du marché au titre des sommes dues au titulaire au cas où celui-ci n’aurait pas exécuté les travaux permettant la levée des réserves. »

Le Conseil d’État précise le sort du décompte général contenant des réserves, lequel diffèrera selon qu’elles soient chiffrées ou non :

– Dans le cas où elles n’ont pas été chiffrées, alors le décompte devient définitif sur les seuls éléments qui n’ont pas fait l’objet de réserves ;

– Lorsque les réserves ont été chiffrées par le maître d’ouvrage, et que ce montant ne donne pas lieu à une réclamation de la part du titulaire, alors le décompte devient définitif dans sa totalité.

Sources et liens

CE, 28 mars 2022, n° 450477 ; mentionné aux tables du recueil Lebon

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