L’appréciation de l’autonomie commerciale de filiales d’un même groupe

Par un arrêt du 25 avril 2023, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a appliqué le critère de l’autonomie commerciale pour juger que deux filiales d’un même groupe ne constituaient pas un seul et même candidat et pouvaient chacune, sans méconnaitre le règlement de la consultation, se voir attribuer un lot du marché (CAA de BORDEAUX, 25 avril 2023, Sé Bagelec Réunion, n°21BX01212).

Par un recours « Tarn et Garonne », la société Bagelec Réunion, concurrente évincée d’un marché public de travaux portant sur l’éclairage des sites sportifs de la commune de Saint-Denis, a demandé au tribunal administratif de la Réunion de résilier le marché public litigieux, d’annuler la décision du 20 septembre 2018 portant signature du marché et de condamner solidairement la commune de Saint-Denis et les sociétés attributaires à réparer le préjudice qu’elle estime avoir subi.

La société requérante soutenait notamment que la règle fixée par les documents de la consultation selon laquelle un candidat ne peut se voir attribuer plus d’un lot avait été méconnue dès lors que les deux sociétés attributaires des lots n°1 et n° 2 étaient des filiales d’un même groupe et constituaient, par suite, un seul et même candidat.

Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, le critère d’autonomie commerciale permet de déterminer si des filiales constituent un seul et même soumissionnaire ou des opérateurs distincts :

« Si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d’autonomie commerciale » (CE, 8 décembre 2020, n° 436532)

Au regard de la jurisprudence administrative, l’absence d’autonomie commerciale entre les soumissionnaires est appréciée au cas par cas et est déduite d’un faisceau d’éléments concordants.

Le juge peut notamment prendre en compte l’existence de liens étroits entre les actionnaires ou les dirigeants, d’organes de direction propres à la filiale, l’absence totale ou partielle de moyens distincts (voir aussi en ce sens, CE 11 juillet 2018, CA du Nord de Grande-Terre, n° 418021 et n° 418022 ; CE 20 février 2013, n° 363656), l’existence de conventions communes de gestion et de direction (TA Lille, 21 décembre. 2022, n° 2209178), mais également la similarité ou la présence d’erreurs communes dans les offres (TA Lyon, 15 janvier 2015, n° 1106126).

Sans nécessairement être cumulatifs, ces indices doivent être suffisamment abondants pour caractériser l’absence d’autonomie commerciale et justifier le rejet des offres.

En l’espèce, la cour administrative de Bordeaux a considéré que les deux sociétés filiales constituaient des candidats distincts et pouvaient ainsi se voir attribuer chacune un lot du marché sans méconnaitre le règlement de consultation :

« Toutefois, il résulte de l’instruction et plus précisément des extraits K bis que ces deux sociétés sont chacune dotées de la personnalité morale et d’une adresse de siège social distincte. En outre, elles disposent chacune de moyens matériels et humains propres pour répondre à l’offre dont elles ont été déclarées attributaires. Ainsi, aucun élément du dossier ne permet d’estimer qu’en raison des liens existants entre leurs dirigeants, ces sociétés ne seraient pas dotées d’une autonomie commerciale. Il en résulte que les sociétés New Com et Sécab ne peuvent être regardées comme un seul et même candidat pour l’application des dispositions précitées des articles 2 et 8 du règlement de la consultation. ».

En dépit des liens existants entre leurs dirigeants, la cour a relevé que les sociétés en cause étaient dotées d’une personnalité morale, d’une adresse et de moyens distincts. Par conséquent, la cour en a conclu que les éléments du dossier ne permettaient pas de remettre en cause l’autonomie commerciale de ces deux sociétés.

Rejetant les prétentions de la société évincée, la cour administrative d’appel a rappelé les modalités d’appréciation de l’autonomie commerciale de deux sociétés en précisant que l’existence de liens entre les dirigeants de deux filiales d’un même groupe ne peuvent suffire à établir l’absence d’autonomie commerciale de ces dernières.

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