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La Réforme de la procédure d’appel en matière civile

Le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile apporte des modifications majeures à la procédure d’appel en matière civile.

  • Une redéfinition de l’appel

1. L’appel est redéfini comme tendant à « réformer ou annuler par la cour d’appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré » (article 542 du code de procédure civile). L’appel « général » n’est donc plus permis et il ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent (article 562 du code de procédure civile). Aux termes de l’article 910-4 CPC nouveau, alinéa 1 « à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond ». C’est donc un véritable principe de concentration des prétentions et moyens qui est consacré en appel.

2. A peine de nullité, les appelants ont également l’obligation de mentionner dans leur déclaration d’appel, les motifs retenus par la juge de première instance à l’origine de leur déboutement. Cette obligation ne vaut pas afin de nullité du jugement ou dans le cadre d’un appel indivisible (Article 901 du code de procédure civile).

  • Les exceptions d’incompétence

3. Le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 redéfinit le régime des exceptions d’incompétence.

3.1 Aux termes des articles 78 et 79 du code de procédure civile, deux scénarii sont possibles : soit le juge statue exclusivement sur la compétence, soit la détermination de la compétence dépend d’une question de fond. Dans cette dernière hypothèse, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes et mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.

Ainsi, trois scénarios sont possibles.

3.2 Lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut désormais faire l’objet d’un appel dans le délai d’appel de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.

3.3 Lorsque le juge s’est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d’appel dans l’ensemble de ses dispositions.

3.4 Lorsque le juge s’est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en dernier ressort, celui-ci peut être frappé d’appel exclusivement sur la compétence. Un pourvoi formé à l’encontre des dispositions sur le fond rend l’appel irrecevable.

  • Des nouvelles procédures pour juger à bref délai

4. Le décret met en place un nouveau régime pour l’affaire qui doit être jugée dans les meilleurs délais qui sont définis comme :

– l’affaire revêt un caractère d’urgence,

– en état d’être jugée,

– relative à une ordonnance de référé,

– relative une ordonnance rendue en la forme de référé,

– relative à une ordonnance du juge de la mise en état.

Pour cela, le président de la chambre saisie d’office ou à la demande d’une partie, fixe à bref délai l’audience à laquelle l’affaire sera appelée au jour indiqué (Article 905).

4.1 Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

A peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celui-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné à l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables (article 905-1 du code de procédure civile).

4.2 L’article 905-2 prévoit des délais stricts pour déposer les conclusions de l’appelant et de l’intimé sous peine de caducité ou d’irrecevabilité.

4.2.1 A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

4.2.2 L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

4.2.3 L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de l’appel incident ou de l’appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

  • L’harmonisation du délai de 3 mois « pour le circuit long »

5. Les nouvelles dispositions du code de procédure civile prévoient que le délai dans lequel l’intimé doit remettre au greffe ses conclusions est désormais fixé à trois mois. Si ce délai n’est pas respecté, les conclusions de l’intimé sont désormais irrecevables.

La réforme vient insérer à l’article 910-2 du Code de procédure civile, la possibilité d’interrompre ces délais en cas de médiation. Le délai d’un mois pour procéder à la signification de la déclaration d’appel n’est pas modifié.

Le décret confirme les sanctions mises en place par le décret « Magendie », mais le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état pourra désormais écarter l’application de ces sanctions en cas de force majeure.

  • Délai de saisine du juge de renvoi après cassation

6. Par ailleurs, le délai de saisine de la juridiction de renvoi après cassation est réduit à deux mois au lieu de quatre mois et, en cas de renvoi devant la cour d’appel, des délais impératifs d’échange des conclusions sont prévus.

  • Le dépôt des conclusions

7. Le décret confirme le principe de remise des conclusions par voie électronique, mais permet également la remise de conclusions par voie postale par lettre recommandée « lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit ». Comme le rappelle le CNB : « Cette modification facilitera aussi l’intervention de l’avocat dans le cadre de la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel statuant en matière prud’homale ».

  • Entrée en vigueur

8. Le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 entre en vigueur au 1er septembre 2017. Les dispositions relatives à l’aide juridictionnelle (article 38) et celles consécutives à un renvoi après cassation (article 52) sont applicables au lendemain de la publication du décret.

Sources et liens

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