Le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt intéressant en matière d’impartialité dans le cadre d’une procédure de sanction d’un sportif pour des faits reprochés de dopage.
La question était la suivante : des membres du collège de l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD), ayant fait partie de la formation disciplinaire qui avait adopté une première sanction infligée au requérant puis annulée par le Conseil d’Etat, peuvent-ils siéger dans le collège qui a décidé d’engager contre l’intéressé de nouvelles poursuites pour les mêmes faits, sans entacher de partialité la nouvelle décision de sanction ?
Le Conseil d’Etat a estimé que cette situation ne rendait pas la décision de sanction prise contraire au principe d’impartialité, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et notamment l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
A cette fin, le Conseil d’Etat a opéré la distinction habituelle entre autorité de poursuite et autorité de jugement, mais aussi celle entre impartialité objective et impartialité subjective :
- Le collège n’est que l’autorité de poursuite, mais pas l’autorité de jugement, incarnée par la commission des sanctions, réputée indépendante ;
- Le collège a été subjectivement impartial : aucun de ses membres, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation de l’opportunité de lancer de nouvelles poursuites, n’a manifesté concrètement une partialité ou une animosité personnelle à l’encontre du sportif.
- Le collège a été objectivement partial : il a comporté en son sein objectivement (abstraction faite de tout comportement de ses membres) des membres qui ont déjà sanctionnés le sportif pour les faits poursuivis. Mais cette partialité objective a été sans conséquences sur la commission des sanctions qui, formation indépendante, a infligé la sanction.
Cette position du Conseil d’Etat est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 11 juin 2009, Dubus SA c/ France, aff. 5242/04).
Néanmoins, et même si en l’état de la jurisprudence dominante cela apparaît vain, on peut se montrer réservé sur cette solution.
On peut en effet estimer que la partialité objective de l’autorité de poursuite étant incontestable, cette partialité objective rejaillit alors indiscutablement sur l’impartialité objective de la commission des sanctions, organe de la même institution (l’AFLD) au nom de laquelle la première sanction a été prononcée.
En bref, même si structurellement cette commission est indépendante de l’autorité de poursuite, elle apparaît aux yeux du sportif mis en cause comme objectivement partiale, étant un organe de l’ALFD qui l’a déjà sanctionné, la crainte d’une proximité entre membres du collège et membres de la commission des sanctions de la même institution étant légitime.