Par un arrêt de section du 16 juillet 2014, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le principe de loyauté dans l’admissibilité des modes de preuve en matière disciplinaire (CE, 16 juillet 2014, M. Ganem, n°355201).
En l’espèce, une commune avait eu recours à un détective privé, pour faire constater, qu’un de ses agents exerçait une activité privée lucrative pendant un congé de longue durée. Révoqué, l’agent a contesté la sanction prise par la commune.
La Cour administrative d’appel de Versailles avait validé la sanction considérant « qu’en confiant à une agence de détectives privés une mission étroitement encadrée de vérification de soupçons de l’activité professionnelle occulte de M. A, alors en position d’activité, la commune de Jouy-en-Josas n’a pas porté atteinte au droit à la vie privée de son agent une atteinte insusceptible d’être justifiée par les intérêts légitimes de la commune et le souci de protection de l’image de l’administration territoriale »; (CAA Versailles, 20 octobre 2011, n°10VE01892, Commune de Jouy-en-Josas).
Le Conseil d’Etat valide, la position de la Cour administrative d’appel de Versailles et estime que la commune n’a pas manqué à son obligation de loyauté vis-à-vis de son agent, car les rapports réalisés reposaient sur des constations matérielles opérées et relatives, au comportement de l’agent à l’occasion de son activité et dans des lieux ouverts au public.
Le pourvoi de l’agent devant le Conseil d’Etat a amené ce dernier à se prononcer, d’une part, sur l’existence d’un principe de loyauté de la preuve devant le juge administratif et d’autre part, sur l’existence d’un principe de loyauté dans les relations entre l’employeur public et son agent.
- En premier lieu, les juges n’ont pas suivi l’avis du rapporteur public tendant à la reconnaissance d’un principe de loyauté de la preuve comme règle de procédure devant le juge administratif. Le Conseil d’Etat réaffirme dans cet arrêt, le principe de liberté des modes de preuves en matière disciplinaire :
« En l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. »
La position du juge administratif diffère ainsi de celle du juge civil. Ce dernier déduit de l’article 9 du code de procédure civile, un principe de loyauté dans l’administration des modes de preuve (Ass. Plén., 7 janvier 2011, n°09-14.316). La chambre sociale de la cour de cassation juge illicite la preuve obtenue par l’employeur qui fait suivre son employé par un détective privé (Sociale, 4 février 1998, pourvoi n° 95-43.421, Bull. 1998, V, n° 64 ; Sociale, 15 mai 2002, pourvoi n° 00-42.885).
- Néanmoins, le principe de la liberté des modes de preuve est limité par un principe de loyauté de l’administration employeur vis-à-vis de ses agents, qui ne s’applique pas en cas d’intérêt public majeur :
« Que toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents à une obligation de loyauté, qu’il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. »
En l’occurrence, un rapport de détective privé reposant sur des constations matérielles opérées dans des lieux ouverts au public n’est pas un manquement à l’obligation de loyauté de la commune.