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Dommage accidentel pour des fissures légères

Le Conseil d’État confirme sa ligne tenant à réduire le champ des dommages permanents de travaux publics au sein de sa jurisprudence sur la responsabilité du maître d’ouvrage, quant aux dommages de travaux publics causés aux tiers.

Selon une jurisprudence bien établie, la responsabilité du maître d’ouvrage à l’égard des tiers est reconnue, en cas de dommages de travaux publics ou d’un ouvrage public, même en l’absence de faute.

Les tiers victimes devront néanmoins démontrer l’existence d’un lien de causalité entre l’existence ou le fonctionnement de l’ouvrage et leur préjudice.

Mais la démonstration de ce préjudice diffère que le dommage soit permanent ou accidentel.

En effet, pour obtenir une indemnisation en raison d’un dommage permanent la victime devra démontrer qu’il est anormal et spécial. Ce qui n’est pas exigé dans le cas où le dommage est accidentel.

Par une décision fort remarquée en 2019, le Conseil d’État avait déjà eu à se prononcer sur la distinction entre dommages permanents et accidentels (CE, 10 avril 2019, n° 411961).

Le dommage permanent est celui qui est inhérent à la réalisation de travaux publics, il est d’essence prévisible. Donc en principe, les dommages qui en résultent ne donnent pas lieu à indemnisation.

Au contraire, le dommage accidentel ne découle pas nécessairement de la réalisation de travaux publics, il n’est donc pas prévisible. Il relève en réalité d’une mauvaise exécution.

Ce qui explique, que le tiers n’a pas à en supporter la charge.

Par une nouvelle application de sa jurisprudence, le Conseil d’État met en œuvre cette distinction.

Une commune avait fait réaliser une maison de santé sur une parcelle lui appartenant située à Ennezat.

C’est lors des travaux de réalisation du parking de cette clinique que le voisin du terrain d’assiette du projet a fait valoir que le muret se trouvant sur sa propriété supportait la charge de remblai créée par les travaux, causant ainsi des fissures.

M. C avait alors engagé la responsabilité de la commune, tendant à obtenir la réparation du dommage qu’il estimait subir en raison de ces travaux.

La cour administrative d’appel de Lyon avait estimé que le dommage était lié aux travaux entrepris par la commune, et qu’il constituait donc un dommage permanent de travaux publics.

Qu’à ce titre, le requérant devait démontrer le caractère anormal et spécial du préjudice.

Les éléments qu’avait fait valoir M.C devant la cour n’ont pas suffis à retenir le caractère anormal du dommage, en raison de la faible ampleur des fissures.

Le Conseil d’État, au contraire de la cour, a reconnu la qualification de dommage accidentel.

Il reconnait que les juges du fond ont inexactement qualifié les faits, en considérant que le dommage invoqué était lié aux travaux.

Selon lui, le dommage subi par M.C ne pouvait être regardé comme inhérent aux travaux, car il résultait de « l’absence de réalisation d’un dispositif de soutènement des terres ainsi remblayées ».

En conséquence, il n’était pas nécessaire pour M.C de démontrer le caractère anormal et spécial du préjudice pour obtenir une indemnisation de la commune, maître d’ouvrage.

Le Conseil d’État reconnait alors que lorsque l’ouvrage peut être réalisé dans des conditions permettant d’éviter le dommage, ce dernier est accidentel.

CE, 8 février 2022, n° 453105, mentionné aux tables du recueil Lebon

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