Contrats publics : Requalification d’un appel à projet en contrat de la commande publique

Au cours de l’année 2018, la ville de Paris a lancé un projet de réalisation de passerelles innovantes sur la Seine sous la forme d’un concours urbain. L’opérateur sélectionné devait assurer, d’une part, la conception et la réalisation des passerelles ainsi que, d’autre part, l’exploitation touristique et commerciale du site qui induisait la délivrance d’autorisations d’occupation du domaine public constitutives de droits réels. L’ensemble du projet aurait été soumis à un cahier des charges spécifique imposé par la ville.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement a saisi la section administrative du Conseil d’Etat pour avis sur la faisabilité de ce projet, notamment compte tenu du risque de requalification des titres d’occupation du domaine public en contrat de concession.

Le Conseil d’Etat rappelle les deux critères d’identification des contrats de la commande publique, la réponse à un besoin public et le caractère onéreux :

« sont des contrats de la commande publique les contrats conclus à titre onéreux par un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques. »

En l’espèce, le montage envisagé par la ville de Paris répond bien à ces deux critères et doit être qualifié de contrat de la commande publique.

En effet, d’une part, le Conseil d’Etat précise que la ville exerce une influence déterminante sur la réalisation des passerelles puisque le cahier des charges de l’appel à projets précise le programme attendu des candidats. Il retient surtout que les ponts figurent sur la liste des activités qui sont des travaux en droit de la commande publique « pour lesquelles existe une forme de présomption de réponse à un besoin de la personne publique ».

D’autre part, le Conseil d’Etat estime que la référence dans les offres des candidats aux éléments financiers et au modèle économique démontre le caractère onéreux du montage envisagé par la ville.

Le Conseil d’Etat conclut donc que « l’opération envisagée dans le cadre de l’appel à projets lancé par la Ville de Paris relève d’un contrat de la commande publique, sans qu’il soit possible à ce stade de se prononcer sur la nature exacte du contrat final. ».

En conséquence de cette requalification, la ville de Paris est contrainte de, soit renoncer à l’opération, soit engager une nouvelle procédure selon la réglementation la plus rigoureuse, c’est-à-dire celle de la procédure d’appel d’offres prévue pour les marchés publics dès lors qu’elle n’est pas en mesure, à ce stade, de déterminer le type de contrat sur lequel l’appel à projet doit déboucher.

CE, avis, 22 janvier 2019, Conditions de réalisation de passerelles innovantes sur la Seine, n° 396221

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