Par un arrêt en date du 15 avril 2021 publié au Bulletin, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a précisé les conditions d’engagement de la responsabilité du maître d’ouvrage par un sous-traitant en présence d’un contrat de délégation de maîtrise d’ouvrage.
En effet, elle a jugé que le maître d’ouvrage, lorsqu’il a délégué la maîtrise d’ouvrage, ne peut voir sa responsabilité engagée par un sous-traitant du fait d’une faute délictuelle de son mandataire s’il n’a pas lui-même commis de faute.
En l’espèce, une SCI avait conclu un contrat de promotion immobilière portant délégation de maîtrise d’ouvrage avec une société.
Cette dernière avait alors conclu un contrat pour l’exécution des travaux à une entreprise qui a elle-même sous-traités certaines des prestations à sa charge sans que le promoteur n’ai agrée le sous-traitant.
Par la suite, l’entreprise en charge des travaux a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde et le sous-traitant n’a pas été intégralement payé pour les travaux qu’il a exécutés.
Par une assignation, le sous-traitant a demandé la condamnation solidaire du maître d’ouvrage et du maître d’ouvrage délégué à lui verser une somme de 54 408,79 € correspondant au solde des travaux restant dus.
Par un arrêt en date du 24 mai 2019, la cour d’appel de Montpellier a condamné solidairement la SCI maître d’ouvrage et le promoteur mandataire à indemniser le sous-traitant.
La juridiction d’appel avait retenu la responsabilité pour faute du promoteur du fait de la méconnaissance de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 :
« Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :
– le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 ou à l’article 6, ainsi que celles définies à l’article 5, mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations. Ces dispositions s’appliquent aux marchés publics et privés ;
– si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l’ouvrage doit exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni la caution. »
Or, le maître d’ouvrage est tenu des fautes de son mandataire en vertu de l’article 1831-2 du code civil qui dispose que :
« (…) Le maître de l’ouvrage est tenu d’exécuter les engagements contractés en son nom par le promoteur en vertu des pouvoirs que celui-ci tient de la loi ou de la convention. »
Au visa de l’article 1240 du code civil et de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, la Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier pour défaut de base légale en tant qu’il a retenu la responsabilité de la SCI maitre d’ouvrage alors que :
« Il en résulte que, la faute délictuelle ou quasi-délictuelle du mandataire n’engageant pas la responsabilité du mandant, celui-ci ne peut être condamné sur le fondement de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 que s’il a personnellement connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier. »
Ainsi, le caractère délictuel et non contractuel de la faute du promoteur mandataire empêche l’engagement de la responsabilité du mandant, sauf à démontrer une faute de sa part.