Compétence de principe du judiciaire en cas de litige relatif à l’exécution d’une transaction conclue entre une SPLA et un prestataire

Dans un arrêt du 7 février 2022, le Tribunal des conflits considère que le juge judiciaire est compétent pour connaître du litige né de l’exécution d’une transaction, sauf lorsque ladite transaction a pour objet le règlement ou la prévention de différends relevant principalement de la compétence du juge administratif.

La région Guyane, devenue la collectivité territoriale de Guyane, a chargé la société publique locale pour l’aménagement numérique de la Guyane (ci-après SPLANG) d’organiser la desserte en télécommunications mobiles et en accès internet de dix-sept sites isolés de la Guyane. Afin de réaliser cette mission, la SPLANG a conclu avec la société Guyacom deux contrats : l’un dit « Marché continuité » ayant pour objet le déploiement d’équipements en vue d’offrir des services de téléphonie mobile sur ces sites, l’autre dit « Marché modernisation » portant sur la modernisation des installations de télécommunications de ces sites. La SPLANG a également accordé à la société Guyacom, par conventions dites « conventions PARRI », dix-sept permissions d’accès au réseau régional d’information autorisant une occupation temporaire des sites pour les infrastructures et équipements ainsi que pour utiliser la bande passante, par satellite ou par voie hertzienne, nécessaire aux communications.

L’exécution de ces contrats ayant donné lieu à des litiges entre la SPLANG et la société Guyacom, ces dernières ont conclu une transaction dont l’exécution a, elle-même, donné lieu à un différend.

La société Guyacom a saisi le tribunal administratif de la Guyane d’une demande de condamnation de la SPLANG à lui verser une somme en exécution de la transaction conclue. Le tribunal administratif de la Guyane a toutefois renvoyé au Tribunal des conflits le soin de trancher la question de la compétence du juge administratif ou du juge judiciaire pour connaître des litiges portant sur l’exécution d’une transaction.

Dans la décision commentée, le Tribunal des conflits a jugé que la transaction étant en principe un contrat de nature civile, son homologation tout comme les litiges nés de son exécution, relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire. Par dérogation à ce principe, le juge administratif est compétent lorsque la transaction a pour objet le règlement ou la prévention d’un différend relevant principalement de la compétence de la juridiction administrative.

En l’espèce, la transaction conclue entre la SPLANG et la société Guyacom a pour objet de mettre fin au litige opposant ces deux cocontractants relatifs à l’exécution des contrats qui les lient. Pour trancher la question de compétence, le Tribunal des conflits a dû qualifier ces contrats et déterminer leur caractère principal ou accessoire :

  • Tout d’abord, le Tribunal des conflits a qualifié les contrats dits « Marché continuité » et « Marché modernisation » de contrats de droit privé, de sorte que les litiges nés de leur exécution relèvent de la juridiction judiciaire. Pour parvenir à cette solution, le Tribunal des conflits a considéré que la SPLANG, qui est une société anonyme, n’est pas une entité transparente (voir sur ce point déjà CE, 4 mars 2021, Société SOCRI Gestion, n°437232) et que les contrats qu’elle a conclus, en son nom et pour son compte, avec la société Guyacom, l’ont été en application de l’ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 et non en application du Code des marchés publics de sorte qu’ils ne sont pas des contrats administratifs par détermination de la loi (pour rappel, la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 dite MURCEF disposait en son article 2 que les marchés passés en application du Code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs) ;
  • Ensuite, le Tribunal des conflits considère que les litiges nés de l’exécution des conventions dites « conventions PARRI » relèvent de la juridiction administrative en application de l’article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, dès lors qu’il s’agit de contrats portant occupation du domaine public conclus par un concessionnaire de service public.
  • Enfin, le Tribunal des conflits a considéré que les différends nés de l’exécution des conventions dites « conventions PARRI » présentent un caractère accessoire par rapport à ceux nés de l’exécution des deux contrats « marché Continuité » et « marché Modernisation », de sorte que la juridiction administrative n’est pas principalement compétente pour connaître du litige né de l’exécution de la transaction.

Le litige relatif à l’exécution de la transaction conclue entre la SPLANG et la société Guyacom relève donc de la compétence du juge judiciaire.

TC, 7 février 2022, n°4233

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