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Autorisation d’occupation du domaine public implicite pour les servitudes de droit privé sur le domaine public

Les frais des travaux de dévoiement des ouvrages doivent être supportés par le titulaire de la servitude de droit privé sur le domaine public au motif qu’il doit être considéré comme bénéficiant d’une autorisation d’occupation du domaine public.

1. Dans le tréfonds de la voirie de la commune de Sarcelles, des travaux de dévoiement de réseaux de chauffage ont dû être effectués à l’occasion de la création d’une ligne de tramway dont la maîtrise d’ouvrage a été confiée au conseil général du Val d’Oise par le Syndicat des transports d’Ile-de-France.

Ce réseau avait été installé par la société Sarcelles Investissements en vertu d’une servitude de droit privé, sur des terrains appartenant à l’origine à des personnes privées, puis incorporés au domaine public.

Le réseau était exploité par la société Sarcelles Energie.

Le dévoiement de ces réseaux a été réalisé aux frais du département du Val d’Oise, conformément à un protocole signé le 15 juillet 2009 avec la société Sarcelles Investissements.

Le 19 septembre 2011, le département a sollicité le remboursement du coût de ces travaux par l’émission d’un titre exécutoire d’un montant de 7 056 811, 24 € à l’encontre de la société Sarcelles Investissements.

La société a demandé l’annulation de ce titre exécutoire auprès du tribunal de grande instance de Pontoise.

Ce dernier, puis la cour d’appel de Versailles ont reconnu l’incompétence de la juridiction judiciaire.

Le 29 mars 2017, la Cour de cassation s’est prononcée dans un sens similaire sur le pourvoi formé par la société Sarcelles investissements.

Parallèlement, le 7 mars 2016, la société Sarcelles Investissements a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a annulé le titre exécutoire par un jugement du 12 juillet 2018, confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles en date du 11 mai 2021.

Le département du Val-d’Oise a formé un pourvoi en cassation.

2. Le Conseil d’État précise tout d’abord sa position sur le délai de forclusion de deux mois et sa jurisprudence Czabaj qui reconnait que les intéressés disposent d’un délai raisonnable d’un an en estimant qu’en cas de juridiction incompétente le délai de deux mois commence à courir à compter de la notification du jugement, non pas définitif mais, irrévocable par lequel le juge judiciaire s’est déclaré incompétent.

3. Le Conseil d’État s’est ensuite prononcé sur le fait de savoir qui devait supporter la charge des travaux de dévoiement des réseaux présents sur le domaine public.

Le département du Val d’Oise devant la cour administrative d’appel de Versailles soutenait que le bénéficiaire d’une servitude de droit privé sur le domaine, était dans une situation analogue à celle de l’occupant temporaire du domaine public.

Qu’ainsi, il devait à l’occasion de travaux réalisés dans l’intérêt du domaine et conformes à sa destination, supporté le coût du déplacement des ouvrages.

En effet, la cour s’est fondée sur une jurisprudence bien établie selon laquelle « le bénéficiaire d’une autorisation d’occupation du domaine public, doit, quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l’intérêt du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d’aménagement conforme à la destination de ce domaine »(CE, section, 6 février 1981, « Compagnie française de raffinage » )

Au terme de cette analyse, elle a conclu, d’une part que la société Sarcelles Investissement n’était pas titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine public, celle-ci étant détenue par la société Sarcelles Energie, et d’autre part, que la servitude de droit privé dont était titulaire Sarcelles investissement ne pouvait conduire à lui reconnaître la qualité de bénéficiaire de cette même autorisation.

A contrario le Conseil d’État a retenu une solution consistant à transposer cette jurisprudence au bénéficiaire d’une servitude de droit privé s’étant maintenue, même après l’incorporation du terrain au domaine public faisant ainsi droit au moyen invoqué par le département.

La Haute Assemblée reconnait dans le prolongement de la solution dégagée dans son arrêt du 20 mars 2013 pour le déplacement d’un pipe-line de transport d’hydrocarbures (CE, Syndicat Mixte des Transports en Communs de l’Agglomération Grenobloise, requête n°352174 ; Quelle évolution du régime jurisprudentiel des déplacements de réseaux ?, E. Sagalovitsch, AJDA 2014, 2287) que le bénéficiaire d’une servitude de droit privé, laquelle ayant permis l’implantation d’ouvrages sur le domaine public, doit être regardé à raison de ces ouvrages, même s’il ne s’acquitterait pas d’une redevance, comme titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine public.

Ainsi, il lui incombe de supporter les frais de déplacement des ouvrages implantés à raison de la servitude, afin de permettre l’exécution des travaux dans l’intérêt du domaine publique et conformes à sa destination.

En l’espèce, le titre exécutoire pris par le département du Val d’Oise à l’encontre de la société Sarcelles investissement était fondé.

Sources et liens

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