Dans un arrêt du 6 avril 2022 n°21-13.891, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler les délais de prescription entre les actions réelles et personnelles dans le cadre d’une action en démolition d’une construction édifiée en violation du cahier des charges d’un lotissement.
Dans cette affaire, le propriétaire d’un lot assigne ses voisins en méconnaissance des dispositions d’un cahier des charges de lotissement en raison d’un bâtiment édifié huit ans auparavant.
La Cour de cassation procède méthodiquement en rappelant, sur le fondement de l’article 2224 du code civil, que les actions personnelles visant la réparation d’un préjudice personnel né de la violation du cahier des charges se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
En application de l’article 2227 du même code, les actions réelles visant à obtenir la démolition d’une construction édifiée en méconnaissance d’une charge réelle se prescrivent pas trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.
Il reste à savoir si l’action en démolition formée par un coloti contre un autre, fondée sur la violation d’un cahier des charges de lotissement, devrait être qualifiée d’action réelle ou personnelle, entraînant nécessairement un impact sur les délais applicables.
Pour la Haute juridiction, il revient aux juges du fond de rechercher si les droits issus de la clause du cahier des charges, dont la méconnaissance est invoquée, procurent des droits réels ou personnels.
A cet égard, la Cour rend un arrêt de cassation partielle estimant que si c’est à bon droit que l’action en dommages intérêts a été jugée prescrite, en revanche c’est à tort que la cour d’appel a considéré que l’action en démolition l’était également, dès lors que l’article du cahier des charges de lotissement méconnu instaurait des droits réels.
L’action en démolition de l’édifice bâti demeurait toujours ouverte compte tenu du fait qu’elle agit dans le cadre d’une action réelle immobilière.
A notre sens, cet arrêt publié au Bulletin mérite d’être lu à l’aune des deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 juillet 2022 n°21-16.407 et 21-16.408 qui ne rendent plus automatique le résultat de l’action en démolition en cas de constructions édifiées en violation d’un cahier des charges de lotissement.
Celle-ci est désormais soumis au contrôle de proportionnalité des juges du fond.
Ni l’action personnelle, ni l’action réelle ne pourront aboutir, si l’action personnelle est prescrite et qu’aucun élément ne justifie la démolition.