Pas d’indemnisation des travaux supplémentaires indispensables réalisés contre la volonté de l’administration

Le droit à indemnisation du titulaire d’un marché conclu à prix forfaitaire au titre des travaux supplémentaires « indispensables à l’exécution du marché dans les règles de l’art » est une constante en droit de la commande publique (CE, 14 juin 2002, Ville d’Angers, n° 342642).

Par un arrêt rendu le 1er décembre 2023, la cour administrative d’appel de Douai est cependant venue rappeler que ce droit à indemnisation suppose que le pouvoir adjudicateur ne se soit pas préalablement opposé à la réalisation de ces travaux supplémentaires (CAA Douai, 1er décembre 2023, n° 21DA02281).

En l’espèce, dans le cadre de la construction d’une piscine entreprise dans le quartier de Lille Sud, la commune de Lille avait attribué la réalisation du lot n°1 « Clos et couvert » à la SAS Nord France Constructions (ci-après « NFC »). A l’issue des travaux, cette société a adressé son projet de décompte final, lequel comportait une demande de règlement complémentaire s’élevant à la somme de 1 678 708,84 euros TTC.

La commune de Lille ayant rejeté cette demande, la société NFC a saisi le tribunal administratif de Lille d’une requête tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 1 981 616,63 euros TTC. Toutefois, les juges de première instance n’ont que partiellement fait droit à la requête de la société NFC en limitant son indemnité à la somme de 13 038,13 euros.

La société NFC a alors saisi la cour administrative d’appel de Douai, devant laquelle elle a notamment fait valoir son droit à indemnisation au titre de travaux supplémentaires. Elle soutenait plus précisément ne pas avoir été pas été mesure de procéder à l’installation des plafonds acoustiques prévus au marché faute d’avis technique certifiant leur conformité à une utilisation dans un centre nautique et avoir proposé d’autres matériaux pour un coût supplémentaire de 325 924,90 euros HT, avec l’accord de la maîtrise d’œuvre.

Par l’arrêt commenté, la cour administrative d’appel de Douai rappelle que le paiement des travaux supplémentaires indispensables à l’exécution du marché dans les règles de l’art n’est pas dû lorsque les travaux ont été réalisés contre la volonté de la personne publique :

« 27. (…) le titulaire [d’un marché à prix forfaitaire] a le droit d’être indemnisé du coût des prestations supplémentaires indispensables à l’exécution du marché dans les règles de l’art, sauf dans le cas où la personne publique s’est préalablement opposée, de manières précise, à leur réalisation ».

Cette exception au droit à indemnisation du titulaire d’un marché à prix forfaitaire au titre des travaux supplémentaires indispensables à l’exécution du marché dans les règles de l’art a été posée par le Conseil d’État pour la première fois en 2020, à l’occasion d’un litige né de l’exécution d’un marché public de prestations de géomètre-expert (CE, 27 mars 2020, Société Géomat, n° 426955).

En l’espèce, la cour relève qu’« au cours de la réunion de chantier du 9 juillet 2015, le maître d’ouvrage a indiqué que cette modification ne devait pas induire un surcoût, ce qui doit être regardé comme une opposition précise à la réalisation de ces travaux ».

Dès lors, estime la cour, la société appelante n’était pas fondée à réclamer une somme supplémentaire pour l’installation de matériaux non prévus au marché.

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