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TMB et Loi relative à la transition énergétique, saison 2 épisode 3 ; un épisode frustrant qui laisse le suspense en l’état

Lors des deux premiers épisodes, nous avions vu que la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait successivement annulé le 14 novembre puis le 12 décembre 2017, deux arrêtés d’autorisation d’exploiter concernant deux installations de tri mécano-biologique (TMB) des déchets.

Au terme d’un raisonnement parfois surprenant, la Cour de Bordeaux avait notamment condamné les TMB en s’appuyant sur la loi relative à la transition énergétique qui préconise le développement du tri à la source des déchets organiques,

Selon la Cour administrative d’appel de Bordeaux les autorisations d’exploiter en cause contreviendraient aux dispositions de l’article L.541-1 du code de l’environnement, dans sa version issue de la loi relative à la transition énergétique du 17 août 2015, selon les termes duquel :

« La généralisation du tri à la source des biodéchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères résiduelles n’ayant pas fait l’objet d’un tri à la source des biodéchets, qui doit donc être évitée et ne fait, en conséquence, plus l’objet d’aides des pouvoirs publics. »

Nous ne reviendrons pas sur la rédaction pour le moins curieuse du texte de loi, ni sur ces deux jurisprudences qui nous semblent, ainsi qu’à beaucoup d’observateurs, à bien des égards critiquables (cf. « Déchets : La CAA de Bordeaux fait une interprétation extensive et surprenante de l’article 70 de la loi relative à la transition énergétique » et « Déchets : La CAA de Bordeaux fait une interprétation déconcertante et préoccupante de la hiérarchie des modes de traitement des déchets »).

Ces mêmes observateurs fondaient beaucoup d’espoirs sur l’épisode 3 commenté aujourd’hui, qui devait se dérouler cette fois devant la Cour administrative d’appel de Nantes.

Dans ce dernier épisode, la SMICTOM Centre Ouest Ille et Vilaine (que nous défendions) subissait l’ultime recours (plus d’une trentaine de recours de toutes sortes ont été dirigés contre le projet du SMICTOM depuis une douzaine d’années) qui pesait encore sur son installation (un TMB couplé à un centre de stockage des déchets ultimes).

En premier instance, le tribunal administratif de Rennes avait donné gain de cause au SMICTOM en considérant notamment que la Loi relative à la transition énergétique « n’interdit pas formellement le procédé, encore moins les installations existantes et, comme en l’espèce, en service ».

L’appel était donc attendu avec impatience.

Or comme cela est l’usage, trois jours avant l’audience qui devait avoir lieu le 14 mai dernier, le rapporteur public (un magistrat de la Cour qui donne son opinion sur l’affaire) indiquait aux parties le sens des conclusions qu’il entendait exposer de façon détaillée lors de l’audience. Et le sens de ses conclusions était clair, puisqu’il concluait au rejet de toutes les demandes des associations et à leur condamnation à verser 2000 euros au syndicat.

Si les magistrats de la Cour sont libres de ne pas suivre les conclusions de leur collègue rapporteur public, on sait toutefois que tel est le plus souvent le cas, si bien que l’affaire semblait mal partie pour les associations.

Telle est la raison pour laquelle, dans un ultime rebondissement, les associations ont cru pouvoir se désister avant même l’audience de plaidoirie.

Et dans son arrêt du 28 mai 2018, la Cour administrative d’appel de Nantes n’avait dès lors plus d’autres choix que de prendre acte de ce désistement. Il en ressort que l’arrêté d’autorisation d’exploiter le centre de traitement des déchets du SMICTOM est définitivement validé mettant un terme à plus de 12 ans de guerre procédurale.

La Cour n’a toutefois manifestement pas gouté ce désistement de dernière minute, dont le but était semble-t-il pour les associations de se soustraire à l’indemnité à devoir au SMICTOM, puisqu’elle a malgré tout condamné les associations à verser non pas 2000 euros au syndicat comme le préconisait le rapporteur public mais 2500 euros.

En droit et dans notre « Série », on retiendra seulement que la Cour de Nantes s’apprêtait probablement à prendre une décision contraire à celles qui avaient été prises quelques mois plus tôt par la Cour administrative d’appel de Bordeaux, sans toutefois ni que l’on en soit totalement certain, ni que l’on connaisse le raisonnement juridique de la Cour.

Le suspense reste donc malheureusement entier quant à l’avenir des TMB depuis l’adoption de la LTE. Nous sommes à cet égard dans l’attente de la position du Conseil d’Etat qui semble avoir été saisi en cassation de l’une des deux affaires de Bordeaux.

Sources et liens

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