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Sanction disciplinaire : L’employeur public peut légalement la fonder sur des éléments diffusés publiquement sur les réseaux sociaux de l’agent

Par un arrêt en date du 11 octobre 2021, la cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que l’administration peut utiliser des éléments diffusés publiquement par l’un de ses agents sur ses réseaux sociaux pour prouver que celui-ci a manqué à ses obligations.

En l’espèce, un agent public ayant demandé la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un accident de trajet survenu lors de sa pause méridienne avait, dans le cadre de l’instruction de sa demande, fait évoluer sa version des faits et produit le témoignage douteux d’une personne présentée comme une inconnue. L’employeur public ayant constaté que cette personne « inconnue » figurait comme « amie » sur le « mur » Facebook de l’agent, ce dernier s’est vu infliger un blâme pour avoir dissimulé la réalité des faits. L’agent a contesté cette sanction devant le tribunal administratif de Poitiers, sans succès.

Saisie à son tour, la cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle tout d’abord l’obligation de loyauté de l’employeur public vis-à-vis de ses agents dans l’administration de la preuve, posée par le Conseil d’État dans une décision du 16 juillet 2014 (CE, « M. Ganem », n°355201) :

« 2. (…) l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d’une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un agent public, d’en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir ».

Or, en l’espèce, la cour relève que :

« 3. (…) pour infliger un blâme à Mme E., le président du [département] s’est fondé sur le fait que, dans le cadre de l’instruction d’une déclaration d’un accident de trajet, l’intéressée, dont la version des faits a évolué au cours de l’enquête administrative, s’est prévalue de l’existence d’un témoin direct présenté comme une inconnue alors qu’elle faisait partie de ses « amis » sur le réseau social Facebook. Il ressort des pièces du dossier, notamment des captures d’écran produites par le département, que cette information était susceptible d’être appréhendée par toute personne se connectant au profil de Mme E., son « mur » sur lequel elle figurait étant d’accès public ».

Dans ces conditions, la cour estime, dans la droite ligne du jugement rendu par les premiers juges, que l’employeur public n’a pas méconnu son obligation de loyauté et que la consultation du « mur » Facebook de son agent pouvait légalement contribuer à l’établissement de la matérialité des faits reprochés à l’origine de la sanction disciplinaire litigieuse

Cette consultation n’a pas davantage porté atteinte au droit au respect de la vie privée de l’agent, tel que garanti par l’article 8 de la CEDH et l’article 9 du code civil.

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