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Imputabilité au service d’un syndrome anxio-dépressif : Le juge doit rechercher si le comportement de l’agent n’est pas la cause déterminante de la dégradation de ses conditions de travail

Par une décision du 22 octobre 2021, le Conseil d’État a rappelé sa jurisprudence du 13 mars 2019 (n°407795) par laquelle il a jugé qu’une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service.

Cette décision a également été l’occasion pour le Conseil d’État de préciser que le juge doit rechercher, face au syndrome anxio-dépressif d’un agent public en lien avec le service, si le comportement de cet agent n’est pas la cause déterminante de la dégradation de ses conditions de travail et constitue, dès lors, un fait personnel de nature à détacher du service la survenance de sa maladie.

En l’espèce, un ingénieur territorial en chef exerçant les fonctions de responsable technique et administratif des concessions et conseiller en efficacité énergétique auprès d’un syndicat mixte avait été placé en congé de maladie à raison d’un syndrome dépressif. Par un arrêté du 28 mars 2014, le président de ce syndicat a refusé de reconnaître l’imputabilité de cette maladie au service et a, en conséquence, placé l’agent en congé de maladie ordinaire à demi-traitement à compter du 1er avril 2014 par deux arrêtés des 7 et 15 avril 2014.

L’agent a alors saisi le tribunal administratif de Versailles, qui a fait droit à ses demandes en prononçant l’annulation de ces arrêtés et en enjoignant au syndicat employeur de reconnaître l’imputabilité au service de la maladie de l’agent. Saisie en appel par le syndicat, la cour administrative d’appel de Versailles a confirmé la décision des premiers juges.

Le syndicat a alors introduit un pourvoi en cassation, auquel le Conseil d’État a fait droit.

En effet, après un rappel des conditions de reconnaissance de l’imputabilité au service d’une maladie contractée par un fonctionnaire posées dans sa décision (précitée) du 13 mars 2019, le Conseil d’État relève que :

« 4. Pour juger que la maladie dont est atteint M. C… est imputable au service, la cour administrative d’appel de Versailles a retenu, d’une part, que l’intéressé, qui ne présentait pas d’état anxio-dépressif antérieur, a vu sa manière de servir contestée à la suite du changement de président et de directrice du syndicat mixte au début de l’année 2012 et a ainsi connu une situation professionnelle très tendue qui a pu, dans les circonstances de l’espèce, être à l’origine d’une pathologie anxio-dépressive, et d’autre part, qu’il ressort des nombreux avis médicaux produits qu’il existe un lien direct et certain entre l’activité professionnelle de M. C… et le syndrome anxio-dépressif dont il est atteint. En statuant ainsi, alors que le syndicat mixte soutenait que M. C… avait adopté dès le changement de président et de directrice une attitude systématique d’opposition, sans rechercher si ce comportement était avéré et s’il était la cause déterminante de la dégradation des conditions d’exercice professionnel de M. C…, susceptible de constituer dès lors un fait personnel de nature à détacher la survenance de la maladie du service, la cour a commis une erreur de droit ».

Autrement dit, dès lors que le syndicat employeur faisait valoir que l’agent avait adopté, dès le changement de sa hiérarchie, une attitude systématique d’opposition, les juges d’appel auraient dû rechercher si ce comportement, d’une part, était avéré et, d’autre part, constituait la cause déterminante de la dégradation des conditions d’exercice professionnel de l’agent.

En ne procédant pas à cet examen, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit.

L’affaire est donc renvoyée devant la cour administrative d’appel de Versailles, qui devra déterminer si le comportement allégué de l’agent est avéré et, le cas échéant, s’il doit s’analyser comme un fait personnel de nature à détacher du service la survenance de son syndrome anxio-dépressif.

Sources et liens

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