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Recevabilité de la réclamation portant sur les omissions du décompte final établi d’office par le MOE

Par un arrêt du 19 mai 2022, le Conseil d’Etat a jugé que lorsque le décompte général du marché a été établi par le maître d’ouvrage à partir du décompte final établi d’office par le maître d’œuvre et notifié au titulaire du marché, ce dernier dispose d’un délai de quarante-cinq jours suivant la transmission de ce décompte général pour former une réclamation à son encontre, quand bien même elle porterait sur un poste de rémunération ou d’indemnisation qui n’avait pas été mentionné dans le décompte final établi d’office par le maître d’œuvre.

Le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes (SITURV), aux droits duquel est venu le syndicat intercommunal de mobilité et d’organisation urbaine de Valenciennes (SIMOUV), a chargé un groupement solidaire d’entreprises composé de la société Eiffage Travaux Publics Nord, mandataire, de la société Eiffage TP et de la société Entreprise Jean Lefebvre Nord, de l’exécution du lot n° 1 « voirie et réseaux divers – ouvrages d’art (secteurs extérieurs) » du marché de construction de la seconde ligne du tramway de Valenciennes.

A la suite de la réception des travaux, le maître d’ouvrage a, en application du CCAG Travaux de 2009, mis en demeure le groupement par courrier du 18 juillet 2014 de produire son projet de décompte final. Ce dernier n’étant pas en mesure de lui adresser ce projet de décompte final, le SIMOUV lui a notifié le 27 octobre 2014 le décompte général du marché. Par lettre du 8 décembre 2014, le groupement a transmis au pouvoir adjudicateur un mémoire en réclamation portant sur une somme totale de 3 161 087,68 euros TTC.

Après rejet de sa réclamation, le groupement a saisi le tribunal administratif de Lille qui a condamné le SIMOUV à verser à la société Eiffage Travaux Publics Nord, en sa qualité de mandataire, la somme de 441 483,45 euros, assortie des intérêts moratoires. Le SIMOUV a interjeté appel devant la Cour administrative de Douai qui a annulé le jugement et rejeté la demande du groupement titulaire. Les sociétés Eiffage Route Nord Est et autres se sont alors pourvues en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat commence par rappeler les stipulations du CCAG Travaux de 2009 qui prévoient que le titulaire du marché doit dresser un projet de décompte final après l’achèvement des travaux, et le remettre au maître d’œuvre dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la réception des travaux. Dans le cas contraire et après mis en demeure restée sans effet, le maître d’œuvre établit le décompte final d’office. Il appartient ensuite au maître d’ouvrage d’établir, à partir de ce décompte final et des autres documents financiers du marché, un décompte général et de le notifier au titulaire du marché. Si celui dernier n’a pas renvoyé ce décompte général dans les quarante-cinq jours, en exposant le cas échéant les motifs de son refus dans un mémoire en réclamation, ce décompte général est réputé accepté par lui et devient le décompte général et définitif du marché.

Le Conseil d’Etat juge ensuite que « lorsque le titulaire du marché n’a pas produit de projet de décompte final et qu’après mise en demeure demeurée sans suite, ce décompte final a été établi d’office par le maître d’œuvre, les stipulations précédemment n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de le priver du droit de former, dans le délai de quarante-cinq jours suivant la transmission du décompte général du marché, une réclamation sur ce décompte général, quand bien même elle porterait sur un poste de rémunération ou d’indemnisation qui n’avait pas été mentionné dans le décompte final établi d’office par le maître d’œuvre ».

Par conséquent, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai au motif que les sociétés Eiffage Route Nord Est, Eiffage Génie civil et Entreprise Jean Lefebvre Nord étaient recevables à contester dans leur mémoire en réclamation des éléments n’ayant pas été présentés avant l’expiration d’un délai raisonnable ayant couru à compter de la réception de la mise en demeure de transmettre un projet de décompte final.

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