Prescription de l’action récursoire contre le fabricant d’un produit défectueux

Par un arrêt du 25 mai 2022, le Conseil d’Etat a jugé que l’établissement de santé qui a indemnisé la victime d’un produit défectueux peut engager une action récursoire à l’encontre du producteur, sur le fondement de la responsabilité sans faute du producteur pendant un délai de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit et sur le fondement de la responsabilité pour faute du producteur sans que le délai de prescription de 10 ans ne soit applicable dans ce dernier cas.

Une patiente du CHU de Rennes a subi, en 2006, une intervention chirurgicale consistant en la pose d’une prothèse totale du genou droit. Suite à des douleurs et des troubles fonctionnels, la prothèse a été remplacée en juin 2013. Elle a saisi, avec son époux, le juge du référé-provision du Tribunal administratif de Rennes d’une demande tendant à la condamnation du CHU au versement de sommes provisionnelles de 50 372,25 euros et 3 000 euros. Le juge des référés a condamné le CHU à verser diverses sommes provisionnelles aux requérants et a condamné la société Zimmer GMBH, venant aux droits de la société fabricante de la prothèse, à garantir le CHU. La société Zimmer GMBH a alors interjeté appel de cette dernière partie de l’ordonnance devant la Cour administrative d’appel de Nantes qui a annulé l’ordonnance et rejeté la demande de condamnation en garantie dirigée présentée par le CHU.

Le Conseil d’Etat rappelle d’abord que « le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise, y compris lorsqu’il implante, au cours de la prestation de soins, un produit défectueux dans le corps d’un patient » (CE, Sect., 25 juillet 2013, Centre hospitalier universitaire de Chambéry, n°339922).

L’établissement de santé, qui a indemnisé un patient des dommages ayant résulté de l’utilisation d’un produit défectueux, peut exercer une action récursoire contre le producteur de ce produit soit sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux (C. civ., art. 1245 et suivants), soit sur le fondement de la responsabilité pour faute (C. civ., art. 1240).

S’agissant de la prescription, il faut distinguer deux situations selon le fondement retenu :

– Si l’établissement de santé se fonde sur la responsabilité du fait des produits défectueux (responsabilité sans faute), il doit introduire son action à l’encontre du producteur dans le délai de dix ans à compter de la mise en circulation du produit, sauf si la victime a elle-même engagé, dans ce délai, une action visant à la réparation des dommages ayant résulté de l’utilisation de ce même produit conformément à l’article 1245-15 du Code civil.

– Si en revanche, l’établissement de santé se fonde sur la responsabilité pour faute du producteur, le délai de prescription de dix ans prévu par l’article 1245-15 du Code civil ne lui est pas applicable. Dans ce cas, c’est le délai de prescription prévu par l’article 2226 du Code civil qui devra s’appliquer c’est-à-dire un délai dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé, en cas de dommage corporel.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Nantes avait recherché, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, l’existence d’une faute de la société Zimmer GMBH pour écarter le délai de prescription de dix ans. Par ailleurs, la Cour n’avait pas recherché l’existence d’une faute de la société Zimmer GMBH sur le fondement de la responsabilité pour faute.

Le Conseil d’Etat a considéré que la Cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit au motif qu’aucune disposition ne prévoit, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, que la faute du producteur puisse faire obstacle à l’application du délai de prescription de dix ans. La faute commise sur ce point par la Cour d’administrative d’appel de Nantes n’avait toutefois aucune incidence puisque la prescription de 10 ans était acquise. Il annule ensuite l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes au motif qu’elle aurait dû rechercher l’existence d’une faute de la société Zimmer GMBH sur le fondement de la responsabilité pour faute, ainsi que cela était demandé par le CHU.

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