Par un arrêt du 28 mars 2022, le Conseil d’Etat juge que l’attribution d’un contrat à une société dont la candidature aurait dû être écartée en raison de son irrégularité ne s’oppose pas nécessairement à la poursuite de son exécution.
La commune de Ramatuelle a engagé une procédure de mise en concurrence en vue de l’attribution de sous-concessions du service public balnéaire de la plage naturelle de Pampelonne pour laquelle six sociétés ont présenté leur candidature, dont les sociétés Tropezina Beach Development et Sud Est. Un lot a été attribué à la société Tropezina Beach Development, qui a ensuite signé le contrat correspondant le 19 octobre 2018.
La société Sud Est, concurrent évincé, a saisi le Tribunal administratif de Toulon d’un recours tendant à l’annulation du contrat, à l’appui duquel le moyen tiré de l’incomplétude de la candidature de la société titulaire était soulevé. Le Tribunal a résilié le contrat avec un effet différé de trois mois. La société Tropezina Beach Development a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Marseille qui a annulé le jugement mais résilié le contrat avec un effet différé de trois mois au motif que la candidature du titulaire était irrégulière et n’avait fait l’objet d’aucune demande de régularisation. La commune de Ramatuelle et la société Tropezina Beach Development ont alors formé un pourvoi en cassation.
Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour au motif qu’elle aurait dû vérifier si, dans les circonstances de l’espèce, le vice entachant la validité du contrat résultant de l’irrégularité de la candidature de la société titulaire permettait, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l’exécution du contrat.
Le Conseil d’Etat règle ensuite l’affaire au fond en commençant par rappeler la jurisprudence Société Corsica Ferries (CE, 22 mai 2019, n°426763) selon laquelle d’une part, l’autorité concédante ne peut attribuer le contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par le règlement de consultation, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres, et d’autre part, une candidature est considérée comme incomplète quand bien même elle contiendrait les pièces et informations dont la production est obligatoire en application des articles 19, 20 et 21 du décret, dès lors qu’elle ne respecte pas les exigences fixées par le règlement de la consultation relatives au mode de transmission de ces documents, sous réserve que ces exigences ne soient pas manifestement inutiles.
Or, en l’espèce, la présentation d’un DC1 complété et signé n’était pas manifestement inutile de sorte que la candidature de la société Tropezina Beach Development a présenté une candidature irrégulière qui n’a fait l’objet d’aucune demande de régularisation. La commune a donc conclu le contrat avec une société dont la candidature aurait dû être écartée comme incomplète, ce qui constitue un vice entachant la validité du contrat, qui n’était pas susceptible d’être régularisé devant le juge.
Il appartient au juge, dans un tel cas, de vérifier si la poursuite de l’exécution de ce contrat est possible. En l’espèce, l’essentiel des champs du formulaire DC1 fourni par le titulaire n’était pas rempli, y compris l’attestation sur l’honneur selon laquelle le candidat ne relevait d’aucun cas d’exclusion obligatoire, cette information ne figurant pas non plus dans son dossier de candidature. Le Conseil d’Etat en conclut qu’eu égard à la portée du manquement aux règles posées par le règlement de la consultation, aucune poursuite de l’exécution du contrat n’est possible et sa résiliation sans effet différé est justifiée.