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Pluralité de maîtres d’ouvrage sans cotitularité, ni transfert partiel du permis de construire valant division

La Cour de Cassation reconnait pour la première fois la possibilité pour le titulaire d’un permis de construire valant division de vendre des lots de copropriété de terrain à bâtir et de « déléguer » la maîtrise d’ouvrage à l’acquéreur en application combinée des articles R. 431-24 et R. 442-1 du code de l’urbanisme.

1. Dans cette affaire, le 26 août 2009, la SARL Zohra avait obtenu un permis de construire valant division.

Par un acte authentique du 10 septembre 2009, la SARL Zohra avait vendu à M. H, un lot au sein de cette copropriété horizontale composé d’un terrain avec un droit à construire une maison de 293 m2 de deux appartements, avec 289/1000 de quote-part de la propriété du sol et des parties communes générales.

Lors de la vente, le notaire a rappelé à M.H qu’il avait l’obligation d’édifier la maison tout en ne disposant pas d’un permis de construire à son nom et que la SARL Zohra conservait les obligations tenant à la déclaration d’achèvement et de conformité.

La SARL Zohra conservait également l’obligation de réaliser les équipements collectifs.

L’acte de vente organisant les rapports entre la SARL Zohra et Monsieur H. sur la délégation de la maîtrise d’ouvrage, ce dernier pouvait choisir librement son constructeur de maison individuelle.

M. H a donc confié la réalisation de sa maison à une entreprise de travaux, sur le fondement du permis de construire accordé à la SARL, sans que cette dernière ne lui ait transféré l’autorisation d’urbanisme, ni qu’il soit cotitulaire de celle-ci.

2. En raison de difficultés financières, M.H avait décidé de vendre ses biens, et le potentiel acquéreur a prétendu que cette cession serait impossible au motif que le lot de copropriété horizontale cédé ne répondrait pas aux règles d’urbanisme.

Le bénéficiaire de la promesse a alors assigné le vendeur, ainsi que le notaire, en indemnisation, au motif que le vendeur aurait voulu contourner les règles relatives au lotissement, dès lors que la cession interviendrait dans le cadre d’une scission du permis de construire valant division.

Cette décision révèle son intérêt dans la mise en œuvre de la distinction opérationnelle entre le permis de construire valant division et le lotissement, dès lors que la division d’une unité foncière dans le but de bâtir des maisons individuelles relève d’une de ces deux autorisations d’urbanisme.

L’opération de lotissement a, en effet, pour objet de produire du terrain à bâtir, puis sur chaque terrain, l’acquéreur réalise une construction sous sa propre maîtrise d’ouvrage. Le lotisseur est chargé de viabiliser les terrains.

L’autre hypothèse est celle de l’obtention d’un permis de construire valant division, prévu à l’article R. 431-24 du code de l’urbanisme, dont l’objet est une division en propriété ou en jouissance avant l’achèvement de l’ensemble du projet en projetant également les ouvrages.

Depuis la réforme des autorisations d’urbanisme de 2007, la condition d’unité de maîtrise d’ouvrage nécessaire aux autorisations d’urbanisme a été supprimée en permettant, en cas de pluralité de maîtres d’ouvrage, une cotitularité de l’autorisation d’urbanisme.

A ce titre, une réponse ministérielle avait précisé en matière de permis de construire valant division que « si, contrairement à l’ancien article R. 421-7-1 du code précité́, l’actuel article R. 431-24 du même code ne fait plus de l’unicité de maître d’ouvrage une condition de délivrance du permis valant division, cette évolution rédactionnelle ne saurait être interprétée comme ouvrant la faculté́ aux différentes personnes propriétaires du même terrain d’y avoir recours alors même que chacun d’eux doit par la suite édifier, pour son propre compte, une maison individuelle. Une telle interprétation, impliquant d’admettre la scission totale du permis, serait contraire au principal objectif du dispositif, celui de permettre la présentation et la réalisation d’un projet d’ensemble. Surtout, elle conduirait à un contournement des règles applicables au lotissement dès lors que l’opération consistant à procéder à une division foncière puis, sur chaque terrain résultant de cette division, à élever un bâtiment sous la maîtrise d’ouvrage de l’acquéreur de ce terrain, relève du régime du lotissement » (Réponse ministérielle, n° 1040, JO Sénat 19 avril 2018, p. 1921, Sueur J.-P.).

La doctrine a estimé que le transfert partiel n’était possible que s’il ne réalise pas véritablement sa « scission » en plusieurs autorisations distinctes.

Si l’ouvrage est indivisible, l’unicité́ du permis d’origine doit être préservée et la modification du PCVD doit porter sur la cotitularité́ du permis d’origine afin de permette d’impliquer les maîtres d’ouvrage des différents bâtiments dans le cadre de l’autorisation (Permis de construire valant division vs lotissement, toujours pas de clarification, construction-urbanisme, juillet 2018, comm. 98, Laetitia Santoni).

L’arrêt est ici particulièrement étonnant en ce qu’il admet que la régularité de plusieurs maîtres d’ouvrage à l’opération immobilière sans cotitularité du PCDV ni transfert de permis de construire comme cela ressort de la synthèse faite par les juges d’appel des conclusions du notaire dans l’arrêt de la cour d’appel de Pau (Cour d’appel de Pau, 14 janvier 2020, n° 18/00517).

En effet, il n’y avait aucune cotitularité du permis de construire valant division, mais l’organisation d’une maîtrise d’ouvrage déléguée, liée semble-t-il par des clauses de droit privé sur les rapports entre le promoteur et son client insérées dans l’acte authentique.

Devant la Cour d’appel de Pau, le promoteur soutenait notamment dans ses écritures qu’ « aucune disposition ne [s’oppose] à ce que le titulaire du permis de construire délègue le droit de construire qui y est attaché à un autre maître d’ouvrage ».

C’est ainsi que la Cour de cassation opère une distinction entre le a) et le d) de l’article R. 442-1 du code de l’urbanisme, et reconnait que, selon l’article R. 442-1 d), les permis de construire valant division obtenus conformément à l’article R. 431-24 du code de l’urbanisme ne constituent pas des lotissements, tandis que l’article R. 442-1 a) du même code s’appliquant aux divisions dites « primaires » les soumet aux règles du lotissement lorsqu’il s’agit de maison individuelle.

Elle juge ainsi, après avoir rappelé la définition du lotissement, que « selon l’article R. 442-1, d), du même code, ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d’aménager les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire prévu à l’article R. 431-24. À la différence de la division d’une unité foncière prévue à l’article R. 442-1, a), du code de l’urbanisme, dite « division primaire », pour laquelle il ne peut être fait exception à la procédure de lotissement que si le projet porte sur un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu’une maison individuelle, l’article R. 442-1, d), prévoit que toutes les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire valant division ne constituent pas des lotissements, quelles que soient les constructions sur lesquelles porte le projet ».

La Haute juridiction rejette alors le pourvoi en estimant que le vendeur n’avait fait qu’user de la faculté qui lui était offerte par les dispositions combinées des articles R. 431-24 et R. 442-1 du code de l’urbanisme, et n’avait ainsi pas voulu contourner les règles du lotissement.

Dans cette affaire, la Haute juridiction reconnait, par les dispositions combinées des articles R. 431-24 et R. 442-1 du code de l’urbanisme, la possibilité pour le titulaire d’un permis de construire valant division, de vendre des lots de copropriété horizontale de terrain à bâtir, et de « déléguer » la maîtrise d’ouvrage à l’acquéreur, tout en estimant que les règles du lotissement n’ont pas été contournées.

Elle pose, néanmoins, une limite à ce type d’opération tenant à ce que le promoteur assure la réalisation de la viabilisation des équipements collectifs tout en précisant que le promoteur reste responsable de la déclaration d’achèvement et de la conformité sur le fondement du permis de construire valant division dont il reste titulaire.

Ce montage reste critiquable dans la mesure où, en pratique, si l’acquéreur méconnait le PCVD accordé, sa conformité sera refusée au promoteur pour un bâtiment dont il n’a pas été maître d’ouvrage, tout en subissant la mise en demeure de se mettre en conformité et sans que l’acquéreur ne soit impliqué à l’égard de la ville dès lors qu’il n’est pas cotitulaire de l’autorisation d’urbanisme.

Si en outre, ce raisonnement sur la divisibilité des ouvrages (équipements collectifs et maison individuelle) parait techniquement exact, il reste extrêmement délicat à l’égard d’un acquéreur individuel, qui peut se retrouver à avoir acquis un droit à construire sans que le promoteur ne réalise les équipements collectifs du fait d’une difficulté financière ou d’un refus de conformité de sa maison individuelle du fait de non-conformité sur les équipements collectifs.

Ce montage a peut-être été justifié par le fait que le Notaire avait estimé que l’opération n’était pas divisible et donc que le transfert partiel de permis n’était pas possible.

Néanmoins, au regard de la position de la Cour de Cassation, la divisibilité de l’opération pourrait être admise entre des maisons individuelles et des équipements collectifs, ce qui laisse à penser qu’un transfert partiel de permis de construire aurait été aussi possible, ce qui doit être privilégié afin de permettre des conformités partielles par tranche.

Ce transfert permet d’identifier les responsables dans le cadre de l’exécution de l’autorisation d’urbanisme à l’égard de la Ville en sa qualité d’autorité de contrôle de la police de l’urbanisme.

Par cette décision, la Cour de Cassation a donc validé un nouveau montage original accordant la possibilité pour le titulaire d’un permis de construire valant division de vendre des lots de copropriété horizontale comme du terrain à bâtir et de « déléguer » la maîtrise d’ouvrage à l’acquéreur sans transfert partiel de permis de construire, ni cotitularité, en application combinée des articles R. 431-24 et R. 442-1 du code de l’urbanisme.

Si ce montage est reproduit, le promoteur doit être vigilant sur le contrat de droit privé liant le promoteur et l’acquéreur qui doit être un véritable contrat de partenariat régissant les droits et obligations de chacun pour assurer la conformité de l’ensemble et les modifications de l’immeuble par l’acquéreur (JCP – Construction et urbanisme n°2 – février 2020).

Sources et liens

Cour de Cassation, 3ème ch. civ., 19 janvier 2022, n° 20-19.329 ;
Cour d’appel de Pau, 1ère ch., 14 janvier 2020, n° 18/00517

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