Par un arrêt du 29 septembre 2017, la Cour Administrative d’Appel de Paris a précisé que le titulaire d’un marché à bons de commande ne peut être indemnisé en cas de non-respect des minimums de commandes prévus, qu’à condition de justifier son préjudice.
La ville de Paris a confié à un groupement momentané d’entreprises un marché à bons de commande d’une durée de vingt-quatre mois ayant pour objet des travaux d’entretien des sols dans les espaces verts du 20ème arrondissement.
Ce marché prévoyait, pour chaque période d’exécution du marché de 24 mois, un minimum de commande de 1 430 000 euros TTC et un maximum de 3 460 000 euros TTC.
Or, les commandes de la ville de Paris lors des deux périodes n’ont pas respecté le montant minimum prévu par le marché.
Après l’échec de négociation entre les co-contractants, une des sociétés du groupement, la société SMAC, demande au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser une somme de 571 644,41 euros TTC relative à l’indemnisation du préjudice subi au titre de la perte de marge bénéficiaire.
Les juges de première instance procèdent à un supplément d’instruction en demandant à la société SMAC de « produire, d’une part, les comptes de résultat et tout autre document comptable certifié conforme permettant d’établir, le taux de marge nette réalisé habituellement sur les marchés de même nature (marché d’entretien des espaces verts) et le taux de marge nette constaté sur l’exécution du contrat en cause au cours des années d’exécution, soit du 18 août 2009 au 18 août 2013 et, d’autre part, les documents comptables certifiés permettant d’établir la contribution respective aux travaux des deux co-traitants »(considérant 5).
En réponse, la société fournit des documents que les juges du tribunal administratif de Paris jugent être « inexploitables » et « qui ne répondaient pas à la demande ». La demande de la société est alors rejetée en première instance.
La cour administrative d’appel de Paris rappelle, en premier lieu, le principe d’indemnisation du cocontractant en cas de non-respect des minimums de commande prévus par le marché :
« 3. Considérant que dans l’hypothèse où le montant minimal des prestations stipulées dans un contrat à bons de commande n’a pas été atteint, le co-contractant est en droit de prétendre à la réparation du préjudice subi du fait du non-respect, par l’administration, de ses engagements contractuels ; que, sauf stipulation contractuelle contraire, le préjudice ainsi subi comprend notamment la perte de marge bénéficiaire qu’aurait dégagée l’exécution du montant minimal de commandes prévu au marché »
En second lieu, la cour confirme le jugement du tribunal administratif et rejette la requête de la société en procédant en deux étapes.
D’une part, la cour administrative d’appel constate l’absence de justification du préjudice subi par la société SMAC comme l’avaient déjà soulevé les juges de première instance.
D’autre part, la cour administrative d’appel demande un supplément d’instruction à la société SMAC, en sa qualité de mandataire du groupement, afin de justifier l’ensemble des préjudices subis par le groupement et de préciser la contribution respective aux travaux de chaque cotraitant, en fournissant à la Cour des éléments financiers ou autres propres à chacune des entreprises.
La société SMAC ne produit « aucun des éléments utiles à la solution du litige avant la clôture de l’instruction et n’a au demeurant pas manifesté, avant cette date, une quelconque intention de répondre à la demande qui lui était faite ».
C’est la raison pour laquelle le juge, considérant que le préjudice subi par la société ou par le groupement de société n’est pas établi par la société SMAC, rejette sa requête :
« 8. Considérant que la société SMAC, qui n’a initialement produit que des éléments ne permettant pas d’évaluer ni même d’identifier les éventuels préjudices indemnisables subis par le groupement et n’a ensuite communiqué aucun des éléments demandés par le juge au cours de l’instruction, est dès lors réputée n’avoir subi, en réalité, aucun des préjudices allégués ;
9. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a d’abord procédé à un supplément d’instruction avant de statuer sur la partie de sa demande indemnitaire relative à l’indemnisation du préjudice subi au titre de la perte de sa marge bénéficiaire puis a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d’annulation et de condamnation doivent par suite être rejetées ».