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Marché public : Interdiction d’exclure un candidat sans fondement textuel

Dans un arrêt en date du 13 juillet 2017, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est venu apporter des précisions sur la possibilité d’exclusion d’un candidat, lors de la passation d’un marché public, en dehors de tout fondement textuel.

En l’espèce, un pouvoir adjudicateur polonais a lancé une consultation pour la conclusion d’un marché de service de « maintien d’une voie rapide ».

Dans le cadre de la procédure, le pouvoir adjudicateur a demandé aux soumissionnaires de prolonger la durée de validité de leurs soumissions pour une période 60 jours, conformément à la loi « marché public » polonaise. La période des 60 jours a expiré sans que la procédure ait abouti. Mais la majorité des soumissionnaires ont continué, de leur propre initiative, à proroger les périodes de validité de leurs soumissions, ainsi que la validité de leurs cautions de soumission, jusqu’à la date de prise de décision du pouvoir adjudicataire.

Un candidat évincé a introduit un recours contre la décision d’attribution du marché faisant valoir que les soumissionnaires qui n’avaient pas prorogé, de leur propre initiative, la durée de validité de leur offre, auraient dû être exclus de la consultation.

La chambre nationale de recours polonaise sursoit à statuer et demande en substance à la CJUE :

« d’une part, si l’article 2 de la directive 2004/18 [prévoyant] le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence permettent d’exclure, de rejeter ou de déclarer non valable l’offre du soumissionnaire qui n’a pas prorogé la durée de validité de son offre, alors que de telles conséquences ne sont pas expressément prévues par les documents afférents à la procédure de passation d’un marché public, et, d’autre part, si le pouvoir adjudicateur peut, dans de telles conditions, exiger des soumissionnaires qu’ils maintiennent la validité du cautionnement constitué pour garantir l’offre, sans possibilité d’interruption, jusqu’à la date de la conclusion du contrat » (paragraphe 17).

La CJUE fonde sa réponse sur les principes d’égalité de traitement et son corollaire ; l’obligation de motivation indiquant, dans un premier temps :

« Cette obligation implique que toutes les conditions et les modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, de façon, premièrement, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, deuxièmement, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause » (paragraphe 18).

La CJUE, dans un second temps rappelle une jurisprudence constante selon laquelle :

« Les conditions de fond et de procédure concernant la participation à un marché [doivent être] clairement définies au préalable et rendues publiques, en particulier les obligations pesant sur les soumissionnaires, afin que ceux‑ci puissent connaître exactement les contraintes de la procédure et être assurés du fait que les mêmes exigences valent pour tous les concurrents » (paragraphe 19).

Par ailleurs, s’agissant d’une règle qui découlerait d’une interprétation jurisprudentielle, la Cour rappelle que le principe d’égalité de traitement et de l’obligation de transparence « s’opposent à l’exclusion d’un opérateur économique de la procédure de passation d’un marché public à la suite du non-respect, par celui-ci, d’une obligation qui résulte non pas expressément des documents afférents à cette procédure ou de la loi nationale en vigueur, mais d’une interprétation de cette loi » (paragraphe 25).

En l’espèce, il s’avère que l’exclusion d’un opérateur économique de la procédure, en raison de l’absence de prolongation du délai de validité de son offre, « n’est pas explicitement prévue par la loi applicable ni dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges » de la consultation litigieuse.

Ainsi, résultant de tout ce qui précède la CJUE juge que l’exclusion d’un candidat est interdite lorsque l’obligation violée par celui-ci n’est pas expressément prévue par les textes : « le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’exclusion d’un opérateur économique de la procédure de passation d’un marché public à la suite du non-respect, par cet opérateur, d’une obligation qui résulte non pas expressément des documents afférents à cette procédure ou de la loi nationale en vigueur, mais d’une interprétation de cette loi et de ces documents ainsi que du comblement des lacunes, de la part des autorités ou des juridictions administratives nationales, présentées par lesdits documents ».

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