Par une décision du 27 septembre 2023 qui sera mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a jugé que si tout conseiller municipal doit pouvoir consulter le projet de contrat de délégation de service public accompagné de l’ensemble des pièces, le Maire n’est pas tenu de notifier et transmettre ces mêmes pièces à chacun des membres du conseil municipal (CE, 13 octobre 2023, req. n°464955, aux tables).
Par une délibération du 22 juin 2017, le conseil municipal de Limoux a autorisé le maire à conclure une convention de délégation de service public pour la production et la distribution de l’eau potable avec la société Veolia Eau – Compagnie générale des eaux.
Un administré et une association ont introduit une requête tendant à l’annulation de la convention précitée.
Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête par un jugement du 24 octobre 2019 et la cour administrative d’appel de Marseille a, par un arrêt du 19 janvier 2022, rejeté leur appel contre ce jugement.
Saisi à son tour d’un pourvoi en cassation contre l’arrêt précité rendu par la cour administrative d’appel de Marseille, le Conseil d’Etat devait notamment se prononcer sur la question de l’obligation de transmission du contrat de délégation de service public et de l’ensemble des pièces à chacun des membres du conseil municipal, au regard de l’obligation d’information de ces derniers.
Après avoir rappelé le principe selon lequel l’obligation d’information des conseillers municipaux doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires, doit permettre à ces derniers d’appréhender le contexte, de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions (voir en ce sens : CE 14 novembre 2012, commune de Mandelieu-la-Napoule, req. n°342327, aux tables), le Conseil d’Etat précise que si tout conseiller municipal doit pouvoir consulter le projet de contrat de délégation de service public accompagné de l’ensemble des pièces, le Maire n’est pas tenu de notifier ce contrat et ces mêmes pièces à chacun des membres du conseil municipal :
« 6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d’une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l’ordre du jour. Le défaut d’envoi de cette note ou son insuffisance entache d’irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n’ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d’une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires, doit permettre aux intéressés d’appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Lorsque la délibération concerne une convention de délégation de service public, tout conseiller municipal doit être mis à même, par une information appropriée, quinze jours au moins avant la délibération, de consulter le projet de contrat accompagné de l’ensemble des pièces, notamment les rapports du maire et de la commission de délégation de service public, sans que le maire ne soit tenu de notifier ces mêmes pièces à chacun des membres du conseil municipal ».
Appliquant cette solution à l’espèce, le Conseil d’Etat écarte le moyen soulevé par les requérants selon lequel le projet de contrat de délégation de service public aurait dû leur être transmis, en précisant que ce dernier devait uniquement pouvoir être consulté dans les quinze jours précédant la délibération :
« 8. Toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 6, le maire n’était pas tenu de notifier le projet de contrat aux conseillers municipaux mais seulement de les mettre à même, par une information appropriée, de le consulter quinze jours avant la délibération. Il suit de là que ce moyen d’appel était inopérant. Ce motif, qui répond au moyen invoqué devant la cour et n’appelle l’appréciation d’aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l’arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif ».
Cette solution n’était pas évidente au regard de la lettre de l’article L. 1411-7 du Code général des collectivités territoriale, disposant que :
« Deux mois au moins après la saisine de la commission prévue à l’article L. 1411-5, l’assemblée délibérante se prononce sur le choix du délégataire et la convention de délégation de service public. / Les documents sur lesquels se prononce l’assemblée délibérante doivent lui être transmis quinze jours au moins avant sa délibération ».
Ainsi, une lecture stricte de ces dispositions pouvait laisser penser que dans la mesure où l’assemblée délibérante se prononce sur la convention de délégation de service public, cette convention devait être transmise à chacun de ses membres, quinze jours au moins avant qu’elle ne délibère.
Ce n’est toutefois pas l’interprétation retenue par le Conseil d’Etat.