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L’avis très attendu du Conseil d’Etat sur la modification des prix des contrats publics a enfin été rendu

Face au contexte extraordinaire d’augmentation des prix, et notamment celui des matières premières, Bercy a saisi en juin 2022 le Conseil d’Etat d’un avis, afin qu’il se prononce sur la possibilité de modifier les prix des contrats publics en cours.

La question qui se posait au Conseil d’Etat était notamment celle de savoir si les possibilités de modifications des contrats, limitativement énumérées par le code de la commande publique, permettaient une modification « sèche » des prix. Cette faculté aurait en effet pu se heurter au principe classique de l’intangibilité du prix.

Le Conseil d’Etat répond par l’affirmative :

« 4. Le Conseil d’Etat relève qu’il ne résulte pas des dispositions du code de la commande publique citées aux points 1 et 2 que les modifications des marchés et des concessions qu’elles autorisent et encadrent ne peuvent porter que sur les caractéristiques ou les conditions d’exécution des prestations initialement convenues, et non sur les clauses financières, ni qu’elles doivent nécessairement porter sur ces caractéristiques et conditions, de sorte que serait prohibée une modification des seules clauses financières (modification « sèche » du prix). »

Les modifications de prix envisagées doivent bien sûr correspondre aux hypothèses prévues par le code de la commande publique, et respecter les conditions et limites fixées par ces dispositions.

A cet égard, le Conseil d’Etat indique qu’une telle modification est possible notamment dans le cas de circonstances imprévisibles, prévu par les articles R. 2194-5 et R. 3135-5 du code de la commande publique (circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir).

Les conditions de mise en œuvre de cette hypothèse sont précisées :

« 9. (…) les modifications qu’elles permettent ne sauraient être justifiées par des événements ainsi que leurs conséquences financières qui pouvaient raisonnablement être prévus par les parties au moment de contracter : ces dispositions n’ont pas pour objet et ne peuvent avoir pour effet d’assurer au cocontractant la couverture des risques dont il a tenu compte ou aurait dû tenir compte dans ses prévisions initiales et qu’il doit en conséquence supporter. Par suite, la modification du contrat sur le fondement de ces dispositions n’est possible que si l’augmentation des dépenses exposées par l’opérateur économique ou la diminution de ses recettes imputables à ces circonstances nouvelles ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat (…)

10. (…) Les modifications apportées au contrat sur leur fondement doivent être directement imputables aux circonstances imprévisibles et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire pour y répondre ni, en tout état de cause, le plafond, apprécié pour chaque modification, de 50 % du montant du contrat initial lorsqu’il est passé par un pouvoir adjudicateur. Elles ne peuvent pas non plus changer la nature globale du contrat »

L’avis du Conseil d’Etat apporte enfin quelques précisions sur les modalités de mise en œuvre de la théorie de l’imprévision, et le versement de l’indemnité qui en résulte pour les cocontractants de l’administration.

Au final, la publication de cet avis permettra sans doute de débloquer certaines situations délicates, et d’assainir les relations contractuelles entre l’administration et ses cocontractants, qui pourront également s’appuyer sur la fiche technique publiée par la DAJ à cette occasion.

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