Interdiction de soumissionner pour des faits de corruption

Par un arrêt du 24 juin 2019, le Conseil d’Etat a apporté certaines précisions sur le régime des interdictions facultatives de soumissionner.

Les interdictions facultatives de soumissionner sont désormais codifiées aux articles L. 2141-7 à 11 du code de la commande publique. Ces articles énumèrent divers motifs qui permettent aux acheteurs d’exclure un candidat d’une procédure de passation.

Ainsi, les acheteurs ont notamment la possibilité d’exclure d’une procédure de passation les personnes qui ont entrepris d’influer sur le processus décisionnel, ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure.

De la même manière, les acheteurs peuvent exclure les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d’intérêts, lorsqu’il ne peut y être remédié par d’autres moyens.

Le Conseil d’Etat est venu préciser un point intéressant, non envisagé par les textes : celui de l’exclusion d’un opérateur économique d’un marché en cours de passation en raison d’un comportement compromettant intervenu au cours d’une procédure antérieure.

En l’espèce, un département relançait deux lots d’un marché de travaux déclaré sans suite à plusieurs reprises.

Le département a pris la décision d’exclure un des candidats de la procédure, au motif qu’une personne proche de la société et considérée comme son dirigeant de fait avait tenté d’influencer indûment le processus décisionnel d’attribution des marchés publics passés par le département entre 2013 et 2016, conduisant à l’ouverture d’une information judiciaire dans laquelle le département s’était constitué partie civile.

Saisi d’un référé précontractuel par le candidat exclu, le Tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision d’exclusion, en considérant qu’un acheteur ne pouvait se fonder sur des faits antérieurs au marché, aussi graves soient-ils, pour exclure une entreprise d’une procédure de passation.

Le Conseil d’Etat adopte une approche différente et censure cette décision, en relevant que les textes ne réservent pas la faculté de mettre en œuvre cette cause d’exclusion facultative au seul cas des agissements commis dans le cadre de la procédure de passation en cours.

Toutefois, et c’est l’apport principal de cet arrêt, pour procéder à l’exclusion d’un candidat sur la base de faits antérieurs à la procédure de passation, l’acheteur devra se fonder sur des éléments précis et circonstanciés :

« Ces dispositions permettent aux acheteurs d’exclure de la procédure de passation d’un marché public une personne qui peut être regardée, au vu d’éléments précis et circonstanciés, comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d’autres procédures récentes de la commande publique, entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur et qui n’a pas établi, en réponse à la demande que l’acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n’est pas de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats. »

Il semble donc qu’avant de procéder à une telle exclusion sur la base de l’interdiction de soumissionner facultative prévue par les textes, l’acheteur devra au minimum mettre en mesure le candidat concerné de justifier de son professionnalisme et de sa fiabilité, et se fonder sur des éléments précis et circonstanciés.

Il s’agit donc d’un outil à manier avec beaucoup de prudence.

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