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Immobilier : Le nouveau statut de la copropriété

Depuis son adoption, la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis s’applique à « tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots. »

L’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 change totalement la donne en matière de copropriété en prévoyant qu’à compter du 1er juin 2020 :

  • (i) le statut de la copropriété ne sera plus obligatoire que pour les immeubles ou groupes d’immeubles bâtis à usage total ou partiel d’habitation, alors que ce statut était jusqu’à cette date appliqué de manière impérative quel que soit l’usage de l’immeuble ou groupe d’immeubles
  • (ii) le statut de la copropriété pourra être privilégié pour la gestion des ensembles immobiliers complexes composés à la fois de volumes communs et de volumes faisant l’objet de droit de propriété privatifs, alors que cette possibilité n’était pas offerte par la loi avant cette date
  • (iii) le droit de construire portant sur une partie privative constituant un lot transitoire pourra consister en un droit de surélever l’immeuble, alors qu’il était jusqu’à présent limité aux seules constructions à réaliser sur une surface déterminée du sol
  • (i) La notion d’habitation au cœur du nouveau statut de la copropriété

Auparavant, l’application du statut de la copropriété s’imposait sans aucune distinction selon que l’immeuble ou groupe d’immeubles était ou non affecté à l’habitation. Cette application impérative du régime contraignant de la copropriété est depuis longtemps – si ce n’est depuis toujours – décriée par les investisseurs.

À compter du 1er juin 2020, la loi du 10 juillet 1965 ne sera plus applicable que de manière supplétive aux immeubles ou groupes d’immeubles bâtis à destination totale autre que l’habitation. Autrement dit, l’application du statut de la copropriété pourra être écartée par les propriétaires qui le souhaitent, à la condition que l’ensemble des lots dont ils sont propriétaires soient affectés à d’autres usages que l’habitation. Sont donc concernés les immeubles de bureaux ou les ensembles immobiliers commerciaux et/ou artisanaux.

La nature ayant horreur du vide, l’ordonnance subordonne néanmoins cette possibilité de se soustraire à la rigidité de la copropriété à la mise en place d’une organisation dotée de la personnalité morale et suffisamment structurée pour assurer la gestion des éléments et services communs. Une structure de gestion sera donc toujours exigée. Cependant, celle-ci s’adaptera de manière plus efficace aux contraintes liées aux activités pratiquées dans les immeubles ou groupes d’immeubles ainsi gérés.

Pour l’application de ce régime dérogatoire aux copropriétés à destination totale autre que d’habitation et aux ensembles immobiliers déjà existants, une décision devra être prise à l’unanimité des voix des potentiels « futurs ex-copropriétaires » composant le syndicat.

  • (ii) La gestion des ensembles immobiliers complexes désormais possible dans le cadre du statut de la copropriété

L’ordonnance du 30 octobre 2019 prévoit désormais que le statut de la copropriété est également applicable aux ensembles immobiliers comprenant à la fois des volumes communs et des volumes faisant l’objet de droits de propriété privatifs. Pour rappel, le régime de la volumétrie excluait auparavant l’application de ce statut.

Cette nouvelle disposition est destinée à rendre le nouveau statut de la copropriété cohérent avec la procédure, prévue au IV de l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965, de « division en volumes des ensembles immobiliers complexes comportant soit plusieurs bâtiments distincts sur dalle, soit plusieurs entités homogènes affectées à des usages différents, pour autant que chacune de ces entités permette une gestion autonome. »

Elle peut être articulée avec le nouvel article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 qui consacre la notion de parties communes spéciales, qui sont la propriété indivise de certains copropriétaires, et les distingue de manière explicite des parties communes générales, qui sont la propriété indivise de l’ensemble des copropriétaires.

Ainsi, un ensemble immobilier sous le statut de la copropriété pourra par exemple être scindé en deux volumes superficiaires faisant l’objet de droits de propriété privatifs, tels que deux immeubles, et d’un volume commun, tel qu’un parking souterrain à usage des deux volumes privatifs, tout en restant soumis au régime de la copropriété.

Le règlement de cette copropriété pourra alors prévoir que les parties communes de chacun des deux immeubles seront des parties communes spéciales, impliquant l’instauration de charges spéciales à chacune d’entre-elles ainsi que des décisions spécifiques soumises aux votes des seuls copropriétaires concernés soit lors d’une assemblée générale des parties communes spéciales, soit lors de l’assemblée générale de tous les copropriétaires.

Parallèlement, le règlement prévoirait que le parking souterrain constitue des parties communes générales impliquant que les charges correspondantes soient affectées à l’ensemble des copropriétaires, ces dernières étant alors soumises au vote de l’assemblée générale de tous les copropriétaires.

  • (iii) Le droit de construire constituant un lot transitoire désormais également entendu comme le droit de surélever l’immeuble

La loi du 10 juillet 1965 prévoit que le lot de copropriété, qui comporte obligatoirement une partie privative et une quote-part de parties communes, peut être transitoire. Cependant, ce lot transitoire ne pouvait auparavant être formé que d’une partie privative constituée d’un droit de construire sur une surface déterminée du sol, et d’une quote-part de parties communes correspondante.

Désormais, ce droit de construire ne se limite plus à la seule surface déterminée du sol mais peut également consister en un droit de surélever l’existant.

Cette mesure était nécessaire à la bonne coordination du lot transitoire avec le nouvel article 37-1 de la loi du 10 juillet 1965, tel que modifié par l’article 208 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « Élan », qui prévoit que le droit de surélever peut « constituer la partie privative d’un lot transitoire. »

Un lot transitoire peut donc désormais être constitué d’un droit de construire un étage supplémentaire sur la copropriété existante.

***

Au total, l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965 sera ainsi rédigé à compter du 1er juin 2020 :

« I. – La présente loi régit tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis à usage total ou partiel d’habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes. Le lot de copropriété comporte obligatoirement une partie privative et une quote-part de parties communes, lesquelles sont indissociables. 

Ce lot peut être un lot transitoire. Il est alors formé d’une partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser et d’une quote-part de parties communes correspondante.

La création et la consistance du lot transitoire sont stipulées dans le règlement de copropriété.

II. – À défaut de convention y dérogeant expressément et mettant en place une organisation dotée de la personnalité morale et suffisamment structurée pour assurer la gestion de leurs éléments et services communs, la présente loi est également applicable :

1° À tout immeuble ou groupe d’immeubles bâtis à destination totale autre que d’habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes ;

2° À tout ensemble immobilier qui, outre des terrains, des volumes, des aménagements et des services communs, comporte des parcelles ou des volumes, bâtis ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs.

Pour les immeubles, groupes d’immeubles et ensembles immobiliers mentionnés aux deux alinéas ci-dessus et déjà régis par la présente loi, la convention mentionnée au premier alinéa du présent II est adoptée par l’assemblée générale à l’unanimité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat. »

Nul doute qu’en réorganisant en profondeur le régime de la copropriété cette ordonnance, prise dans le plus pur esprit de la loi Élan, constitue l’une des réformes majeures intervenues depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Sources et liens

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