Suite à l’explosion de l’usine AZF, dont on connaît les conséquences dramatiques, deux victimes avaient saisi la juridiction administrative d’un recours indemnitaire dirigé contre l’Etat sur le fondement de la responsabilité pour faute (carence dans le contrôle au titre de la police ICPE) en vue d’obtenir la réparation des dommages résultant du préjudice moral qu’ils ont subi et des troubles dans leurs conditions d’existence.
Le Tribunal administratif de Toulouse avait rejeté leur demande, faute d’un lien de causalité entre les fautes commises par l’Etat et l’explosion de l’usine, dont les causes restaient à ce jour, selon lui, inexpliquées.
La Cour administrative d’appel de Bordeaux infirme ce jugement en s’appuyant largement sur l’enquête pénale ayant donné lieu à l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 24 septembre 2012 (qui a condamné le directeur d’AZF et la société exploitante Grande Paroisse).
La CAA estime ainsi que l’existence de modes irréguliers de stockage de produits dangereux sur le site révélait « une carence des services de l’Etat dans leur mission de contrôle de cette installation classée ; que, si le ministre se prévaut des onze visites d’inspection, qui ont eu lieu sur le site du 1er mars 1995 au 17 mai 2001, les rapports d’inspection versés aux débats ne donnent pas à penser que le bâtiment où s’est produite l’explosion aurait été visité et ses modes réels d’exploitation contrôlés ».
La Cour statue ensuite sur l’exonération de responsabilité dont se prévalait l’Etat en considérant qu’il ne peut « se prévaloir de l’existence même des fautes (…) imputables à [l’]exploitant, dès lors que son action aurait dû précisément avoir pour objet et pour effet d’éviter qu’elles ne soient commises ».
La faute ayant été identifiée, la CAA identifie un lien de causalité entre la carence fautive de l’Etat et les préjudices subis par les requérants. En effet, « s’il n’est pas certain qu’aucune explosion ne se serait produite en l’absence de faute commise dans la surveillance de ce dernier entrepôt, il est établi que la mise en contact du mélange explosif avec des produits qui auraient été stockés dans des conditions régulières, et dont la réactivité aurait été ainsi très inférieure, n’aurait pas eu les mêmes conséquences ; que, dans ces conditions, la carence de l’Etat dans la surveillance de cette installation classée doit être regardée comme ayant fait perdre à M. et Mme B…une chance sérieuse d’échapper au risque d’explosion tel qu’il s’est réalisé et d’éviter tout ou partie des dommages qu’ils ont personnellement subis du fait de cette explosion ».