Des spéléologues ont découvert dans le tréfonds d’un terrain privé acquis par son propriétaire en 1991 une grotte composée d’un réseau de galeries et de salles ornées de peintures pouvant dater du paléolithique supérieur. Le préfet de région a alors pris un arrêté en vue d’incorporer ce vestige archéologique dans le domaine public de l’Etat sur le fondement de l’article L. 541-1 du Code du patrimoine, après renonciation par la commune à l’exercice des droits qu’elle tenait sur ledit vestige.
Le propriétaire du terrain a contesté cet arrêté et a obtenu son annulation par la Cour administrative d’appel de Bordeaux, celle-ci estimant que l’article L. 541-1 du Code du patrimoine est contraire à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) relatif au droit de propriété.
Par un arrêt en date du 24 avril 2012, le Conseil d’Etat, saisi par le ministre de la culture, confirme cette analyse tout en l’affinant.
Il commence ainsi par préciser que les biens acquis après l’entrée en vigueur de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001, reprise à l’article L. 541-1 du Code du patrimoine, sont exclus de la présomption de propriété du sous-sol existant au profit des propriétaires du sol prévue à l’article 552 du Code civil. Ces derniers ne peuvent donc revendiquer la propriété des vestiges archéologiques immobiliers s’y trouvant.
Cependant, il indique ensuite que la situation est différente pour les terrains acquis avant l’entrée en vigueur de ladite loi.
En effet, cette loi a eu pour objet et pour effet de déposséder des éléments du sous-sol les propriétaires de tels terrains, étant donné qu’il leur est en pratique impossible de rapporter la preuve de la propriété – par titre ou invocation de la prescription acquisitive – de vestiges archéologiques dont ils ignoraient nécessairement l’existence, anéantissant ainsi la mise en œuvre de la présomption de propriété du sous-sol de l’article 552 du Code civil dont ils bénéficiaient à l’époque de l’acquisition du terrain.
A cet égard, relève le Conseil d’Etat, que bien que les dispositions de l’article L. 541-1 du Code du patrimoine et l’article 63 du décret du 3 juin 2004 pris pour son application poursuivent un but d’utilité publique au sens de l’article 1er du premier protocole de la CESDH en ce qu’elles permettent d’assurer la conservation et la sauvegarde du patrimoine archéologique, « elles ne ménagent pas un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et celles de la sauvegarde du droit de propriété, dès lors que le seul versement au propriétaire du terrain d’une indemnité destinée à compenser le dommage qui peut lui être occasionné pour accéder au vestige archéologique immobilier, prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 541-1 du Code du patrimoine, ne constitue pas une juste compensation de la privation de la propriété des vestiges eux-mêmes ».
En d’autres termes, elles privent le propriétaire d’un fonds acquis avant leur entrée en vigueur, de la propriété des vestiges archéologiques s’y trouvant, sans aucune compensation et méconnaissent, en conséquence, l’article 1er du premier protocole de la CEDH.