Par cet arrêt du 12 avril 2021, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les moyens invocables par un tiers qui conteste une décision refusant de mettre fin à l’exécution d’un contrat.
Dans cette affaire, il s’agissait d’une convention de concession pour le service public de la distribution d’énergie électrique, que le syndicat départemental d’énergie et d’équipement du Finistère (SDEF) avait conclu avec Electricité de France (EDF), pour une durée de 30 ans. Peu de temps après sa conclusion, le champ d’application territorial de cette convention a été étendu à l’île de Sein, par un avenant.
Vingt-quatre ans plus tard, la société Ile de Sein Energies (IDSE) a demandé au SDEF qu’il soit mis fin à l’exécution de cette convention, en tant qu’elle concernait l’île de Sein, et à ce que la concession du réseau de distribution de l’électricité sur l’île lui soit transférée.
Face au refus du Syndicat, la société IDSE a introduit un recours tendant à la résiliation de la convention.
L’arrêt du 12 avril 2021 rappelle tout d’abord les principes consacrés par l’arrêt dit « Transmanche[1] », selon lesquels les tiers susceptibles d’être lésés dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine par le refus de résilier un contrat peuvent le contester devant le juge administratif, pour mettre fin à l’exécution du contrat.
À cet égard, ils ne peuvent soulever que trois types de moyens :
- des moyens tirés de ce que la personne publique contractante était tenue de mettre fin à son exécution du fait de dispositions législatives applicables aux contrats en cours ;
- des moyens tirés de ce que le contrat est entaché d’irrégularités qui sont de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office ;
- ou des moyens tirés de ce que la poursuite de l’exécution du contrat est manifestement contraire à l’intérêt général.
En outre, il est rappelé que les requérants peuvent se prévaloir d’inexécutions d’obligations contractuelles qui, par leur gravité, compromettent manifestement l’intérêt général. En revanche, ils ne peuvent se prévaloir d’aucune autre irrégularité, notamment pas celles tenant aux conditions et formes dans lesquelles la décision de refus a été prise.
A l’appui de son recours, la société IDSE soutenait notamment que la convention litigieuse avait été irrégulièrement attribuée à EDF, sans mise en concurrence.
Le Conseil d’Etat juge qu’en l’absence de circonstances particulières, la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence n’est pas de nature à faire obstacle à la poursuite de l’exécution de la convention :
«12. (…) si la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence peut, le cas échéant, être utilement invoquée à l’appui d’un référé précontractuel d’un concurrent évincé ou du recours d’un tiers contestant devant le juge du contrat la validité d’un contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles, cette méconnaissance n’est en revanche pas susceptible, en l’absence de circonstances particulières, d’entacher un contrat d’un vice d’une gravité de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office »
En l’espèce, la société requérante n’invoquait aucune circonstance particulière, son pourvoi a donc été rejetée.
Cet arrêt fait partie des rares applications du recours « Transmanche », et confirme que la mise en œuvre de cette voie de droit par les tiers s’avère particulièrement difficile, tant ses conditions d’application sont restrictives.
CE, 12 avril 2021, Société Ile de Sein Energies, n°436663