Contrats publics : Part variable des recettes et requalification d’une délégation de service public

Par trois ordonnances en date du 27 avril 2016, le juge des référés du Tribunal administratif de Poitiers est venu préciser qu’une délégation de service public dans laquelle la part variable des recettes du délégataire représentait au plus 5% de sa rémunération devait être requalifiée en marché public.

Trois entreprises candidates à l’attribution d’une délégation de service de transport par le département de Charente-Maritime ont exercé un référé précontractuel contre la procédure de passation de cette convention. Etait notamment soutenu que, la rémunération n’étant pas substantiellement lié aux résultats de l’exploitation, le futur contrat devait être qualifié de marché public et non de délégation de service public.

Le Tribunal rappelle que, pour qu’un contrat puisse être qualifié de délégation de service public, le juge doit, en plus de déterminer l’objet dudit contrat, apprécier si les modalités de rémunération du délégataire restent substantiellement liées aux résultats d’exploitation de l’activité. Cette dernière condition se dédouble : d’une part, une fraction substantielle des recettes doit être variable et directement liée aux résultats de l’exploitation ; d’autre part, la rémunération ne doit pas, en pratique, neutraliser ce transfert de risque.

En l’espèce, le juge relève que 90% de la rémunération du délégataire devait être versée de manière forfaitaire par le département. Par ailleurs, sur les 10% restant, presque 5% étaient constitués par recettes perçues sur les usagers scolaires. Or, en ce que le nombre d’élèves n’est pas susceptible d’être diminuer de manière significative d’une année à l’autre, cette part de la clientèle doit être considérée comme captive. Ainsi, la véritable part variable des recettes du délégataire était, tout au plus, de 5%.

De plus, la convention prévoyait un mécanisme d’abondement permettant, en cas de recettes inférieures à 90% des objectifs du délégataire, le versement à ce dernier de 45% des recettes prévisionnelles. Dès lors, ce correctif ayant pour effet de réduire à une portion marginale l’éventuel déficit d’exploitation, le délégataire ne peut être considéré comme supportant une part significative du risque. La rémunération n’étant pas substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service, le contrat est requalifié en marché public.

« 9. Il résulte de l’instruction que le contrat envisagé a pour objet de confier au cocontractant la gestion du service public des transports de voyageurs pour une durée de 5 à 8 ans, moyennant une rémunération constituée d’une part fixe versée par le département de la Charente-Maritime et d’une part variable, composée des recettes perçues sur les usagers, des produits d’exploitation annexes et des recettes publicitaires. Il n’est pas contesté que la part forfaitaire versée par le département, quelles que soient les hypothèses retenues quant à la fréquentation du réseau attendue, représente au moins 90 % de la rémunération du futur cocontractant. S’agissant des 10 % de rémunération restant à percevoir, il résulte de l’instruction que celle-ci est composée presque pour moitié des recettes perçues sur les usagers scolaires, dont le nombre n’est pas susceptible de diminuer de manière significative d’une année à l’autre. Ainsi, la seule fraction variable des recettes représente au plus 5 % de la rémunération du délégataire, étant précisé que le mécanisme d’abondement mis en place par la convention, en permettant le versement de 45 % des recettes prévisionnelles en cas de recettes commerciales inférieures à 90 % des objectifs, constitue un correctif de nature à atténuer les risques d’exploitation pour le cocontractant. Dans ces conditions, dès lors que l’éventuel déficit d’exploitation ne peut prendre, dans la pire des hypothèses, que des proportions très modestes compte tenu du mécanisme d’abondement prévu par le contrat, le futur délégataire ne peut être considéré comme supportant une part significative de risque. Par suite, la rémunération calculée selon ces modalités ne peut être regardée comme substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service.

10. Il résulte de ce qui précède que, eu égard aux modalités de rémunération du cocontractant, le contrat envisagé doit être regardé comme un marché public dont les règles de passation étaient soumises aux règles du code des marchés publics et non, comme le soutient le département de la Charente-Maritime, comme une délégation de service public. »

Sources et liens

TA Poitiers Ord., 27 avril 2016, Société Transhorizon, n°1600803

TA Poitiers Ord., 27 avril 2016, Société Voyages Goujeau, n°1600784

TA Poitiers Ord., 27 avril 2016, Société Voyages Rigaudeau, n°1600827

À lire également

Droit de la commande publique
En concession, une offre initiale irrégulière peut être régularisée en cours de négociation
Dans le cadre de la procédure de passation d’un contrat de concession, le Conseil d’Etat admet que la régularisation d’une...
Droit de la commande publique
Le décret du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique porte-t-il bien son nom ?
Le décret n°2024-1251 du 30 décembre 2024 qui a été publié au Journal Officiel le 31 décembre modifie le Code...
Droit de la commande publique
Contrats publics : Un CCAP peut valablement déroger à la procédure d’établissement d’un décompte général et définitif tacite sans mentionner explicitement l’article du CCAG auquel il déroge
Par un arrêt du 16 octobre 2024, la cour administrative d’appel de Douai a jugé qu’un CCAP rédigé de manière...
Droit de la commande publique
Marchés publics - Délai écoulé entre attribution et information du candidat évincé, pas de manquement aux obligations de transparence
Dans une décision du 27 septembre 2024, le Conseil d’État a précisé que le délai écoulé entre la décision d’attribution...