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Contrats publics : Méthode de notation et neutralisation des critères

Dans un arrêt du 24 mai 2017, le Conseil d’Etat, tout en rappelant que le pouvoir adjudicateur est libre de définir la méthode de notation des différents critères, a apporté des précisions sur les irrégularités susceptibles d’entacher ces méthodes de notation.

En l’espèce, l’Atelier industriel de l’aéronautique (AIA) de Clermont-Ferrand avait engagé une procédure d’appel d’offres restreint en vue de l’attribution d’un marché de prestations de bourrellerie aéronautique.

Par courrier du 28 octobre 2016, l’AIA de Clermont-Ferrand a informé la société Techno Logistique du rejet de son offre.

La société Techno Logistique a alors saisi le juge du référé précontractuel, lequel a annulé, par une ordonnance du 23 novembre 2016, la procédure d’attribution de ce marché.

Le ministre de la défense se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

Le Conseil d’Etat, à cette occasion, précise que les méthodes de notation sont entachées d’irrégularité si elles sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et, de ce fait, susceptibles de conduire pour la mise en œuvre de chaque critère à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ou à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

Dans le cas présent, trois critères avaient été fixés par le pouvoir adjudicateur : le prix (60%), la valeur technique (30%) et la politique sociale (10%).

Or, la méthode de notation retenue par l’AIA de Clermont-Ferrand conduisait automatiquement, sur le critère du prix, à l’attribution de la note maximale de 20 à l’offre la moins disante et de 0 à l’offre la plus onéreuse.

Le Conseil d’Etat considère qu’une telle méthode de notation est entachée d’irrégularité.

En effet, la méthode de notation choisie par l’AIA de Clermont-Ferrand avait pour effet de neutraliser les deux autres critères d’attribution, et revenait en définitive à n’attribuer le marché que sur la base du critère prix :

« 7. Considérant que l’AIA de Clermont-Ferrand a fixé, pour l’attribution du marché public litigieux, trois critères : le prix, la valeur technique et la politique sociale, pondérés respectivement à 60 %, 30 % et 10 % ; qu’ainsi que le soutient la société Techno Logistique, la méthode de notation retenue par l’AIA de Clermont-Ferrand, conduisant automatiquement, sur le critère du prix, à l’attribution de la note maximale de 20 à l’offre la moins disante et de 0 à l’offre la plus onéreuse, a pour effet, compte tenu de la pondération élevée de ce critère, de neutraliser les deux autres critères en éliminant automatiquement l’offre la plus onéreuse, quel que soit l’écart entre son prix et celui des autres offres et alors même qu’elle aurait obtenu les meilleures notes sur les autres critères ; qu’elle peut ainsi avoir pour effet d’éliminer l’offre économiquement la plus avantageuse au profit de l’offre la mieux disante sur le seul critère du prix, et ce quel que soit le nombre de candidats, contrairement à ce que soutient le ministre de la défense ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu’en retenant une telle méthode de notation pour l’attribution du marché litigieux, l’AIA a manqué à ses obligations de mise en concurrence ».

Toutefois, dans le cas d’espèce, la société Techno Logistique, candidat évincé, n’a pas été considérée par le Conseil d’Etat comme lésée dès lors qu’elle n’était, quelle que soit la méthode de notation retenue, pas susceptible de se voir attribuer le marché litigieux.

L’ordonnance du 23 novembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est donc annulée et la demande de la société Techno Logistique rejetée.

Cet arrêt illustre bien la nécessité d’apporter une attention particulière lors de la définition du critère prix pour éviter une élimination automatique de l’offre la plus onéreuse et, en conséquence, un manquement aux obligations de mise en concurrence.

Sources et liens

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