L’introduction d’un référé précontractuel devant le juge administratif a pour effet de suspendre la possibilité pour l’acheteur et l’attributaire de signer le contrat, en application de l’article L. 551-4 du Code de justice administrative.
Afin d’assurer l’effet suspensif de l’introduction d’un tel recours, le requérant doit notifier à l’acheteur un courrier/courriel auquel est jointe la copie du recours en référé précontractuel, en application de l’article R. 551-1 du Code de justice administrative. Il a déjà été jugé par le Conseil d’Etat que l’effet suspensif de la notification n’est subordonné ni à la transmission, par le demandeur, de documents attestant de la réception effective du recours par le tribunal (CE, 25 juin 2018, Société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), n°417734) ni à la prise de connaissance effective de cette notification par l’acheteur (CE, 20 juin 2018, Société Cercis, n°417686).
Cette notification est cruciale dès lors que la signature du contrat postérieurement à l’introduction d’un recours en référé précontractuel entraîne un non-lieu à statuer sur la requête, le recours ayant perdu son objet en cours d’instance.
Bien qu’informés de l’existence de l’introduction d’un référé précontractuel, certains acheteurs publics étaient tentés de signer malgré tout le contrat avec l’attributaire pressenti, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 551-4 du Code de justice administrative. Ce faisant la voie du référé contractuel était ouverte au requérant ayant initialement introduit un recours en référé précontractuel.
Alors que l’article L. 551-20 du Code de justice administrative prévoit qu’en cas de signature du contrat « pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière », le Conseil d’Etat a considéré, dans un arrêt du 27 mai 2020, qu’en application de ces dispositions le juge du référé contractuel est tenu de prononcer, même d’office, l’une des sanctions prévues par cet article dès lors que l’acheteur a méconnu l’obligation de suspension de signature, sous peine de commettre une erreur de droit :
« 3. (…) En vertu des dispositions de l’article L. 551-14 du même code, la méconnaissance par le pouvoir adjudicateur de l’obligation de suspendre la signature du contrat ouvre la voie du recours en référé contractuel au demandeur qui avait fait l’usage du référé précontractuel. En outre, en vertu des dispositions de l’article L. 551-20 du même code, qui doivent être lues à la lumière de celles de l’article 2 sexies de la directive du Conseil du 21 décembre 1989 dont elles assurent la transposition, en cas de conclusion du contrat avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, ou, comme en l’espèce, pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9 du même code, le juge du référé contractuel est tenu soit de priver d’effets le contrat en l’annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat. Enfin, le rejet des conclusions présentées sur le fondement de l’article L 551-18 du code de justice administrative ne fait pas obstacle à ce sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-20 du même code, si le contrat litigieux a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9 du code de justice administrative ».
En l’espèce, le Conseil d’Etat a décidé d’infliger une sanction financière à l’acheteur ayant méconnu l’obligation de suspension de signature qui s’imposait à lui dès lors qu’il avait été informé par la société requérante, par télécopie et par courriel, de l’introduction d’un référé précontractuel. Et le montant de 10 000 euros de la sanction financière infligée par le Conseil d’Etat à l’acheteur a de quoi dissuader ce genre de pratique.