La prescription quadriennale pour les créances détenues contre les personnes publiques dotées d’un comptable public a été introduite par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics.
L’article 2 de cette loi dispose notamment que :
« La prescription est interrompue par ; / (…) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance ».
Dans un arrêt rendu le 10 mars 2017, le Conseil d’Etat a précisé le régime de cette prescription, et plus spécifiquement son application dans le cadre de l’articulation entre deux contentieux.
En l’espèce, la société Levaux, attributaire du marché de reconstruction d’un collège passé par le département du Val-de-Marne, avait sous-traité le lot n° 1 dudit marché à la société Solotrat.
Par un acte spécial du 14 mai 2007, le département a accepté cette sous-traitance et agréé les conditions de son paiement direct.
En 2008, le sous-traitant a assigné l’entrepreneur principal en paiement de sommes dues devant le tribunal de commerce, lequel a finalement été condamné à payer au sous-traitant la somme de 425 281 € en 2012, mais a été placé en liquidation judiciaire peu de temps après.
En 2016, le sous-traitant a finalement décidé de saisir le juge des référés du tribunal administratif qui, par une ordonnance du 29 juillet 2016, a condamné le département à lui verser une provision de 250 000 euros au titre du paiement direct du lot sous-traité à cette société.
Par une ordonnance du 19 octobre 2016, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Paris a, sur appel du département, annulé cette ordonnance et rejeté la demande du sous-traitant en estimant que la créance était prescrite, au motif que les dispositions de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 subordonnaient l’interruption du délai de la prescription en cas de recours juridictionnel à la mise en cause d’une collectivité publique.
Le Conseil d’Etat confirme le raisonnement de la Cour administrative d’appel et rejette le pourvoi du sous-traitant :
« Considérant qu’en jugeant que les dispositions précitées de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 subordonnent l’interruption du délai de la prescription quadriennale en cas de recours juridictionnel à la mise en cause d’une collectivité publique et en en déduisant que l’instance engagée par la société requérante devant les juridictions commerciales contre le seul entrepreneur principal du marché n’a pas interrompu le délai de cette prescription à l’égard du département du Val-de-Marne, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Paris, qui a suffisamment motivé son ordonnance, n’a pas commis d’erreur de droit ; que la société Solotrat n’est dès lors pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ».
Bien que la rédaction de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 puisse laisser penser le contraire, le Conseil d’Etat confirme que la personne publique doit être mise en cause par le créancier pour suspendre le délai de prescription.
C’est pourquoi l’instance engagée par la société requérante devant les juridictions commerciales contre le seul entrepreneur principal n’a pas interrompu le délai de prescription à l’égard de la personne publique puisqu’elle n’était pas mise en cause.