Par un arrêt du 24 mai 2016, la Cour de justice de l’Union européenne est venue préciser qu’un pouvoir adjudicateur ne méconnaît pas le principe d’égalité de traitement des candidats en autorisant, sous conditions, une société membre d’un groupement candidat à l’attribution d’un marché public de participer seule à la procédure dans la mesure où ledit groupement aurait été dissout.
Le gestionnaire des infrastructures ferroviaires danoises avait attribué un marché de construction de ligne ferroviaire à la société Per Aarsleff. Cette dernière était issue d’un groupement lui-même candidat l’attribution du contrat avant d’être dissout et la société avait, alors, soumis une nouvelle offre en son nom propre sans pour autant avoir été présélectionnée à titre personnel. Deux candidats évincés ont saisi la Commission danoise des recours en matière de marchés publics qui a renvoyé une question préjudicielle concernant la compatibilité de la procédure avec le principe d’égalité de traitement des candidats.
La Cour relève, tout d’abord, que ni la directive 2004/17, ni le droit danois, ni l’avis de marché, ne comportent des règles spécifiques quant à la modification d’un groupement d’opérateurs présélectionné en tant que soumissionnaire à un marché public. Reste cette modification doit être examinée sur le fondement, notamment, des principes d’égalité de traitement et de transparence.
Est rappelé que ces principes imposent que les candidats doivent se trouver sur un pied d’égalité lors de la préparation et de l’évaluation de leurs offres – si bien que celles-ci doivent être soumises aux mêmes conditions. Partant, la Cour estime qu’une approche stricte de ces principes et de la directive 2004/17 aboutirait à ne retenir que les candidats qui auraient été présélectionnés.
« 38 Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs (arrêts du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 110, et du 12 mars 2015, eVigilo, C‑538/13, EU:C:2015:166, point 33).
39 Une application stricte du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires, tel qu’explicité à l’article 10 de la directive 2004/17, lu en combinaison avec l’article 51 de celle‑ci, aboutirait à la conclusion que seuls les opérateurs économiques qui ont été présélectionnés en tant que tels peuvent présenter des offres et devenir adjudicataires.
40 Cette approche trouve son fondement dans l’article 51, paragraphe 3, de la directive 2004/17, selon lequel les pouvoirs adjudicateurs « vérifient la conformité des offres présentées par les soumissionnaires ainsi sélectionnés », ce qui présuppose, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 63 de ses conclusions, une identité juridique et matérielle entre les opérateurs économiques présélectionnés et ceux qui présentent les offres. »
Cependant, cette approche stricte peut être tempérée afin d’assurer une concurrence suffisante. Dans ce cas, deux conditions doivent être remplies pour qu’un opérateur économique continue, en son nom propre, à participer à la procédure d’attribution d’un marché à la suite d’un groupement présélectionné dont elle faisait partie et qui est, désormais, dissout. D’une part, cet opérateur doit satisfaire seul aux exigences définies par le pouvoir adjudicateur ; d’autre part, le fait qu’il continue à titre personnel la participation du groupement ne doit pas détériorer la situation concurrentielle des autres soumissionnaires.
« 41 Toutefois, l’exigence d’identité juridique et matérielle mentionnée au point précédent du présent arrêt peut être tempérée afin d’assurer, dans une procédure négociée, une concurrence suffisante, ainsi que l’exige l’article 54, paragraphe 3, de la directive 2004/17.
42 Dans l’affaire au principal, ainsi qu’il ressort du point 10 du présent arrêt, l’entité adjudicatrice a considéré que les candidats devaient être au moins au nombre de quatre pour assurer une telle concurrence.
43 Encore faut-il, cependant, que la continuation de la participation à la procédure négociée, par un opérateur économique en son nom propre, à la suite de la dissolution du groupement dont il faisait partie et qui avait été présélectionné par l’entité adjudicatrice, intervienne dans des conditions qui ne portent pas atteinte au principe d’égalité de traitement de l’ensemble des soumissionnaires.
44 À cet égard, une entité adjudicatrice ne viole pas ce principe lorsqu’elle autorise l’un des deux opérateurs économiques qui faisaient partie d’un groupement d’entreprises ayant été, en tant que tel, invité à soumissionner par cette entité à se substituer à ce groupement à la suite de la dissolution de celui‑ci et à participer, en son nom propre, à la procédure négociée d’attribution d’un marché public, pourvu qu’il soit établi, d’une part, que cet opérateur économique satisfait seul aux exigences définies par ladite entité et, d’autre part, que la continuation de sa participation à ladite procédure n’entraîne pas une détérioration de la situation concurrentielle des autres soumissionnaires. »