Par un arrêt du 13 juillet 2016, la Cour de cassation apporte des précisions quant à la preuve de la volonté non équivoque de réceptionner les travaux permettant de caractériser la réception tacite.
En l’espèce, les époux X, maîtres d’ouvrage, ont confié des travaux de gros œuvre sur leur maison à la société B et ont loué une autre habitation pendant la durée des travaux. A la suite des travaux, les maîtres d’ouvrage ont constaté plusieurs inexécutions contractuelles et différents désordres mais ont néanmoins décidé de prendre possession des lieux tout en adressant un certain nombre de protestations à la société B.
Devant les juges du fond, le maître d’ouvrage a sollicité la reconnaissance de la réception tacite alors que l’assureur du constructeur a invoqué, en défense, une réception contrainte. L’assureur a ainsi fait valoir que la prise de possession n’était intervenue que parce que les maîtres d’ouvrage étaient contraints économiquement dès lors qu’ils ne pouvaient s’acquitter d’un loyer en plus du crédit afférent aux travaux de construction.
Les juges d’appel ont retenu cette argumentation, écartant la réception tacite, faute de paiement complet du solde des travaux et à défaut de preuve de la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de réceptionner l’ouvrage.
La Cour de Cassation censure ce raisonnement en jugeant, au visa de l’article 1792-6 alinéa 1er du code civil, que :
« Attendu que, pour rejeter les demandes de M. et Mme X… et de leur assureur, l’arrêt retient que les maîtres de l’ouvrage ont indiqué que leur installation dans les lieux ne pouvait plus être différée compte tenu de leurs impératifs financiers, qu’ils retenaient le solde du marché en attente de l’exécution de ses engagements par la société Batica, qu’ils avaient exprimé des réserves et fait état de risques de désordres structurels et que la preuve de la volonté, non équivoque, des maîtres d’ouvrage d’accepter l’ouvrage, même avec réserves, n’est pas rapportée ;
Qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser une volonté non équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage, après avoir relevé que M. et Mme X… avaient pris possession des lieux le 1er juin 1999 et qu’à cette date ils avaient réglé la quasi-totalité du marché de la société Batica, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; »
Ainsi, le paiement de la quasi-totalité du prix des travaux et la prise de possession de l’ouvrage conforme à sa destination d’habitation n’ont pas permis de caractériser une volonté non-équivoque de ne pas réceptionner l’ouvrage.
La Cour de cassation n’a donc pas retenu le caractère contraint de la prise de possession de l’ouvrage et a analysé les protestations des maîtres d’ouvrage en des réserves et non en une volonté certaine de ne pas recevoir l’ouvrage.