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Application du secret des affaires aux échanges avec un candidat en phase de négociation et au rapport d’analyse des offres

Par un arrêt en date du 15 mars 2023, les juges du Palais Royal ont précisé l’application du secret des affaires aux courriers échangés entre une collectivité et un candidat lors de la phase de négociation d’un contrat de la commande publique et au rapport d’analyse des offres (Conseil d’Etat, 15 mars 2023, Ville de Paris, n°465171).

La société Clear Channel s’est vu attribuer par le conseil de Paris une concession de service relative à « la conception, la fabrication, la pose, l’entretien, la maintenance et l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité ».

La société SOMUPI, candidat évincé, a sollicité la communication des documents relatifs à l’offre de Clear Channel et à la passation du contrat notamment. Après un refus implicite de la Ville de Paris, la SOMUPI a saisi la CADA. Les documents sollicités n’ayant pas tous été transmis à la SOMUPI, cette dernière a saisi le TA de Paris afin de faire annuler la décision de la Ville de Paris en tant qu’elle refuse de lui communiquer :

• les courriers échangés entre elle et Clear Channel durant la phase de négociation ;
• le rapport d’analyse des offres occulté dans la seule mesure du respect du secret des affaires.

Le TA de Paris ayant fait droit aux demandes de la société SOMUPI, la Ville de Paris a saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation à l’encontre du jugement rendu.

Faisant application des articles L. 300-2 et L. 311-6 du Code des relations entre le public et l’administration, le Conseil d’Etat a considéré :

– en ce qui concerne les courriers échangés entre l’acheteur et l’attributaire, durant la phase de négociation, qu’ils « révèlent par nature la stratégie commerciale du candidat » et « ne sont, par suite, pas communicables ». Le Conseil d’Etat fixe donc par là-même un principe général de non-communicabilité des documents et informations échangés entre l’acheteur et un candidat lors des négociations ;

– en ce qui concerne le rapport d’analyse occulté, que certaines mentions occultées par la Ville de Paris dans la version du rapport d’analyse des offres transmis à la SOMUPI n’étaient en réalité pas couvertes par le secret des affaires. Le Conseil d’Etat s’est donc livré à une appréciation in concreto des mentions occultées :

« (..) il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, parmi les mentions occultées par la Ville de Paris dans le rapport d’analyse des offres communiqué à la SOMUPI, figurent des éléments relatifs aux engagements pris par la société attributaire à l’égard du pouvoir adjudicateur en termes de quantité et de qualité des prestations, qui, dès lors que, comme l’a relevé le tribunal administratif, ils ne mentionnent ni les prix unitaires, ni les caractéristiques précises de ces prestations, ne révèlent pas en eux-mêmes des procédés de fabrication ou la stratégie commerciale de l’entreprise et sont, par suite, communicables. Il en va notamment ainsi des éléments relatifs aux modèles de mobilier envisagés, à leur dimensionnement, à leur qualité, incluant la nature des équipements numériques proposés, à leur esthétique, à leur évolutivité ainsi qu’à leur nombre et au calendrier de leur déploiement. Par suite, le tribunal n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en considérant que le rapport d’analyse des offres communiqué à la SOMUPI avait fait l’objet d’occultations excessives. »

Sources et liens

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