Par un arrêt du 25 avril 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé qu’un concurrent évincé dispose d’un délai raisonnable d’un an à compter de la publication de l’avis d’attribution pour former un recours en contestation de validité d’un contrat, sauf circonstances particulières.
Par un avis d’appel à la concurrence publié le 3 décembre 2009, le ministère de la défense a lancé une procédure de passation d’un marché à bons de commande divisé en cinq lots, ayant pour objet la fourniture d’heures de vol d’aéronef pour assurer des essais de matériel et l’entraînement des forces de la marine nationale. La SAS Seatem Aviation a déposé une offre pour les lots n°1 et 2, qui a été rejetée par une décision du 19 août 2010. Le marché a été attribué à la société Apache Aviation. La SAS Seateam Aviation a formé un recours en contestation de la validité du contrat devant le Tribunal administratif de Toulon qui a rejeté ses demandes tendant à l’annulation du marché et à la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 17 158 000 euros en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis. La SAS Seateam Aviation a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Marseille.
Le point qui retient notre attention dans la position de la Cour administrative d’appel de Marseille porte sur la recevabilité des conclusions contestant la validité du contrat et des conclusions indemnitaires.
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions contestant la validité du contrat, la Cour commence par rappeler le principe selon lequel le recours en contestation de validité du contrat doit être exercé dans le délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi (CE, 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, n°358994). Le délai de recours de deux mois n’est pas opposable en cas d’absence de mention des modalités de consultation du contrat dans l’avis d’attribution. Conformément à la jurisprudence Centre hospitalier d’Avignon (CE, 3 juin 2020, n°428845), que l’absence d’indication de la date de la conclusion du contrat dans l’avis est sans incidence sur le point de départ du délai.
Afin de préserver la sécurité juridique, la Cour fait ensuite application de la jurisprudence Czabaj (CE, Ass., 13 juillet 2016, n°387763) en jugeant que lorsque « l’administration a omis de mettre en œuvre les mesures de publicité appropriées permettant de faire courir le délai de recours de deux mois, un recours contestant la validité du contrat doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter de la publication de l’avis d’attribution du contrat. En règle générale, et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable ».
En l’espèce, le délai de recours deux mois n’était pas opposable à la SAS Seateam Aviation dès lors que les modalités de consultation du contrat n’étaient mentionnées ni dans l’avis d’attribution, ni dans les courriers qui lui ont été adressés par le ministère de la défense. Toutefois, l’avis d’attribution ayant été publié le 9 octobre 2010, la SAS Seateam Aviation bénéficiait d’un délai d’un an, soit jusqu’au 10 octobre 2011 pour exercer un recours juridictionnel en contestation de validité du contrat, de sorte que ses conclusions contestant la validité du contrat présentées le 15 octobre 2015 devant le Tribunal administratif de Toulon étaient irrecevables pour cause de tardiveté. L’introduction d’un précédent recours en contestation de validité du contrat devant le Tribunal administratif de Toulon le 4 juin 2012 ne constituait pas une circonstance particulière ayant une incidence sur le délai d’un an, en ce que le recours avait été rejeté pour irrecevabilité en raison de l’absence de production de l’acte d’engagement et de toute justification quant à l’impossibilité de l’obtenir.
Pour rappel, il existe une divergence entre les juridictions du fond quant à l’appréciation de la recevabilité du recours Tarn-et-Garonne. Certaines juridictions exigent la production de l’acte d’engagement (CAA de Lyon, 4 avril 2013, n°12LY02973 ; TA de Toulon, 17 octobre 2014, n°1201487) tandis que d’autres acceptent la seule production de l’avis d’attribution (CAA de Bordeaux, 1er octobre 2013, n°12BX00319 ; CAA de Nantes, 8 février 2013, n° 11NT02786).
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions indemnitaires, la Cour administrative d’appel de Marseille adopte une position classique selon laquelle lesdites conclusions ne sont pas soumises au délai de recours de deux mois suivant l’accomplissement des mesures de publicité du contrat (CE, 17 juin 2019, n°413097). La Cour indique refuser de faire application de la jurisprudence Czabaj aux conclusions indemnitaires.
La position du Conseil d’Etat quant à l’application de la jurisprudence Czabaj aux recours en contestation de validité d’un contrat administratif reste à ce jour inconnue.