Le Conseil d’État a jugé que l’obligation d’indiquer une quantité ou valeur maximale des produits à fournir, en vertu d’un accord-cadre soumis à une pro-cédure formalisée, s’applique aux avis de marché publiés avant le 1er janvier 2022. Il a également jugé que cette jurisprudence s’appliquait, dans son prin-cipe, aux marchés de services sociaux.
Le Conseil d’État devait se prononcer, pour la première fois, sur les conséquences à tirer en matière de référé précontractuel de la jurisprudence Simonsen, rendue par la Cour de Justice de l’Union Européenne (aff. C-23/20) le 17 juin 2021, par laquelle la Cour de Luxembourg a précisé les règles applicables au contenu des avis de marché quant aux mentions relatives à la quantité ou au montant des prestations susceptibles d’être fournies en vertu d’un accord cadre.
Plus précisément, la CJUE a jugé qu’il résulte des dispositions de la directive marchés publics 2014/24/UE du 25 février 2014, confortées par son économie générale et notamment les principes de la commande publique de transparence et d’égalité de traitement, que l’avis de marché est tenu d’indiquer la quantité et/ou la valeur maximale des produits faisant l’objet de cet accord-cadre et que l’indication de la quantité ou de la valeur maximale des produits à fournir peut figurer indifféremment dans l’avis de marché ou le cahier des charges.
Prenant acte de cette jurisprudence de la CJUE, la France a, par un décret n°2021-1111 du 23 août 2021 a modifié le code de la commande publique pour supprimer la possibilité de conclure des accords-cadres sans maximum. Toutefois, son entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier 2022.
Le Conseil d’État devait donc se prononcer sur l’application de la jurisprudence Simonsen, en matière de référé précontractuel, sur les procédures d’accord-cadre soumises à la directive du 25 février 2014 précitée, au regard du décret n°2021-1111 du 23 août 2021.
En d’autres termes, les acheteurs devaient-ils fixer un maximum pour lesdits accords-cadres lancés avant le 1er janvier 2022 ?
Le Conseil d’État répond par l’affirmative à cette question et précise, a contrario, que cela ne s’applique pas aux accords-cadres qui ne sont pas régis par cette directive, soit ceux qui ne sont pas soumis à une procédure formalisée, pour lesquels l’application de cette règle ne s’appliquera aux avis de marché publiés à compter du 1er janvier 2022 :
« 6. Il résulte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne mentionné au point 5 que, pour tout appel à concurrence relatif à un marché destiné à être passé sous la forme d’un accord-cadre qui, eu égard à son montant, entre dans le champ d’application de cette directive, l’avis publié à cet effet doit comporter la mention du montant maximal en valeur ou en quantité que prévoit le pouvoir adjudicateur, cette indication pouvant figurer indifféremment dans l’avis de marché ou dans les documents contractuels mentionnés dans l’avis de marché et librement accessibles à toutes les personnes intéressées. Il n’en va différemment que pour les accords-cadres qui ne sont pas régis par cette directive, pour lesquels le décret du 23 août 2021, modifiant notamment les dispositions de l’article R. 2162-4 du code de la commande publique, a supprimé la possibilité de conclure un accord-cadre sans maximum, en différant, en son article 31, l’application de cette règle aux avis de marché publiés à compter du 1er janvier 2022 afin de ne pas porter une atteinte excessive aux intérêts privés et publics en cause ».
Il convient de préciser que le rapporteur public relevait, dans ses conclusions portant sur cette décision, « que la jurisprudence communautaire ne vous laisse guère de marge de manœuvre » et qu’en principe, le juge administratif ne devrait ni annuler ni résilier, dans le cadre d’un contentieux de type « Tarn-et-Garonne », un accord cadre passé en méconnaissance des principes posés par la décision SIMONSEN
En conclusion, il résulte de cette jurisprudence que les accords-cadres, dont la procédure a été lancée avant le 1er janvier 2022 ou qui a fait l’objet d’un avis de marché envoyé à publication avant le 1er janvier 2022, sont susceptibles d’être remis en cause, en dépit de l’intervention du décret du 23 août 2021 précité.
L’annulation de la procédure sera prononcée uniquement s’il est démontré que l’absence de fixation d’un maximum a pu léser le requérant, notamment en ne lui permettant pas de présenter une offre adaptée. Tel était le cas en l’espèce.
En outre, le Conseil d’État a jugé, dans une décision rendue le 3 février 2022 et qui a fait l’objet de conclusions communes avec la décision commentée ci-dessus, que l’obligation d’indiquer une quantité ou valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre, s’applique également, dans son principe, aux marchés de services sociaux.
CE, 28 janvier 2022, Communauté de communes Convergence Garonne, n°456418, aux Tables
CE, 3 février 2022, Société Formation accompagnement conseil, n°457233