Dans un arrêt rendu le 17 octobre 2024, la cour administrative d’appel de Nancy a jugé que le recours intenté par une commune contre un permis de construire délivré par une commune voisine constituait un comportement abusif au sens de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme au motif que la requête n’était pas motivée par des considérations tirées du respect des règles d’urbanisme. Toutefois, elle a rejeté la demande d’indemnisation formulée par le bénéficiaire du permis, estimant que le préjudice allégué n’était pas suffisamment démontré (CAA Nancy, 3e ch., 17 oct. 2024, n° 23NC02531).
En 2013, le maire de la commune de Holtzheim avait délivré un permis d’aménager pour la création d’un lotissement de 50 lots sur une superficie totale de 22,8 hectares, dans le cadre de l’extension de la zone d’activités Joffre II.
Le 26 mars 2021, la commune de Holtzheim a délivré un permis de construire à la société Arefim Holtzheim pour réaliser un projet immobilier comprenant deux immeubles à usage de bureaux et d’activités industrielles.
La commune voisine de Wolfisheim a contesté ce permis de construire devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Par une décision du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la commune de Wolfisheim, estimant que le projet, autonome et distinct des autres projets voisins, ne nécessitait pas d’évaluation environnementale complémentaire.
Insatisfaite du jugement, la commune de Wolfisheim a interjeté appel.
La cour administrative d’appel a confirmé la décision de première instance et a rejeté la requête.
Lors de la procédure d’appel, la société bénéficiaire du permis a introduit une demande de dommages et intérêts, en application de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, pour comportement abusif de la part de la commune requérante.
Cet article permet au bénéficiaire d’un permis de demander au juge de condamner l’auteur d’un recours à lui allouer des dommages et intérêts lorsque celui-ci est « mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis ».
Sur ce point la cour a reconnu que le recours de la commune de Wolfisheim était abusif, estimant que :
« La requête n’apparaissait pas motivée par des considérations tirées du respect des règles d’urbanisme et doit donc être regardée comme traduisant un comportement abusif. »
En d’autres termes, la commune requérante ne s’appuyait pas sur des fondements sérieux liés aux règles d’urbanisme ou de l’environnement.
La commune de Wolfisheim soutenait que le permis de construire aurait dû être précédé d’une nouvelle évaluation environnementale, arguant qu’il s’agissait d’un projet fractionné. La cour a cependant rejeté cet argument pour plusieurs raisons :
– Une évaluation environnementale existait déjà ;
– Le projet était autonome et distinct des autres constructions ;
– Les seuils réglementaires n’étaient pas atteints : le terrain (1,81 hectare), la surface de plancher (5 612 m²) et l’emprise au sol (3 035 m²), ce qui restait en deçà des seuils nécessitant une évaluation environnementale, conformément à l’article R. 122-2 du code de l’environnement.
– Aucun impact notable sur l’environnement n’était démontré.
Cependant, la cour a rejeté la demande d’indemnisation formulée par la société bénéficiaire du permis, considérant que celle-ci ne justifiait pas suffisamment le préjudice allégué, tiré de la perte des revenus de placement qu’aurait générée la plus-value escomptée de la cession de la construction immobilière, si la vente avait pu être conclue au 30 février 2024.
Les documents produits, notamment un tableau récapitulatif des coûts de construction et un document publicitaire de sa banque présentant diverses offres de placement de trésorerie, ont été jugés insuffisants pour établir le préjudice de manière probante.