Légalité de la modification unilatérale d’un contrat de concession visant à le purger de clauses illicites divisibles

Le Conseil d’Etat a considéré qu’une personne publique contractante peut modifier unilatéralement un contrat public lorsqu’une clause, divisible du reste du contrat, est affectée d’un vice tenant au caractère illicite de son contenu (CE, 8 mars 2023, n°464619).

En l’espèce, le comité syndical intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication a modifié unilatéralement trois conventions concédant la distribution d’électricité à la société Enedis. Le préfet a demandé, avec succès, au juge des référés la suspension de l’exécution des trois délibérations actant les modifications. Cette suspension a été confirmée par la cour administrative d’appel de Paris.

La question qui se posait au Conseil d’Etat était donc celle de savoir si la personne publique contractante pouvait modifier unilatéralement une clause irrégulière d’un contrat, au seul motif de purger le vice dont elle est affectée.

Précédemment, les juges du Palais Royal avaient déjà posé le principe selon lequel dans le cas particulier d’un contrat entaché d’une irrégularité d’une gravité telle que, s’il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l’annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu’il soit besoin qu’elle saisisse au préalable le juge (CE, 10 juillet 2020, n° 430864).

Dans le prolongement de cet arrêt, le Conseil d’Etat a admis que l’administration peut écarter elle-même une clause qu’elle estime « nulle et non écrite » compte tenu de son illicéité mais seulement pour l’avenir (CE, 13 juin 2022, n°453769).

Dans l’affaire commentée, le Conseil d’Etat considère, en substance, que lorsqu’une clause du contrat est affectée d’une irrégularité tenant au caractère illicite de son contenu et si celle-ci est divisible du reste du contrat, la personne publique peut y apporter de manière unilatérale les modifications permettant de remédier à l’irrégularité :

« 3. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique contractante peut unilatéralement apporter des modifications à un tel contrat dans l’intérêt général, son cocontractant étant tenu de respecter les obligations qui lui incombent en vertu du contrat ainsi modifié tout en ayant droit au maintien de l’équilibre financier du contrat. La personne publique peut ainsi, lorsqu’une clause du contrat est affectée d’une irrégularité tenant au caractère illicite de son contenu et à condition qu’elle soit divisible du reste du contrat, y apporter de manière unilatérale les modifications permettant de remédier à cette irrégularité (…) »

Dans le cas d’espèce, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit en considérant que la modification unilatérale d’un contrat concédant un service public ne peut être mise en œuvre au seul motif de purger le contrat de stipulations illicites.

Il est donc désormais loisible à la personne publique de modifier unilatéralement une clause illicite divisible d’un contrat, dans le seul but de purger le vice dont elle est affectée.

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