Marchés publics : AMO et conflit d’intérêts

Par une ordonnance de référé en date du 14 octobre 2015, le Conseil d’Etat a annulé la procédure de passation d’un marché public engagée par la région Nord-Pas-de-Calais, au motif que cette dernière a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence dès lors qu’elle n’a pas mis en œuvre de mesure permettant de lever le doute légitime né de la participation comme assistant à la maîtrise d’ouvrage d’un ancien cadre de la société attributaire.

Plus précisément, la région avait confié la mission d’assistant à la maîtrise d’ouvrage à un ancien directeur de la société attributaire, pour laquelle il avait travaillé pendant douze ans, jusqu’à moins de deux ans avant le lancement de la procédure. A ce titre, l’instruction a révélé qu’il avait pu exercer une influence sur le choix de la société attributaire, dès lors qu’il avait participé à la rédaction de certaines pièces contractuelles dont le CCTP, ainsi qu’à la procédure d’analyse des offres des entreprises candidates.

C’est sur ce dernier point que la haute juridiction prononce l’annulation de la procédure, en jugeant que la région, qui avait connaissance des faits, aurait dû écarter cette personne de la procédure d’analyse des offres, afin de lever les doutes liés à ses anciennes mais récentes fonctions au sein de l’entreprise attributaire :

« Il résulte de l’instruction que, d’une part, M.A…, chargé par la région d’une mission d’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour le marché litigieux, a non seulement contribué à la rédaction du cahier des clauses techniques particulières mais aussi à l’analyse des offres des candidats aux côtés des services de la région et qu’il a ainsi été susceptible d’influencer l’issue de la procédure litigieuse ; que, d’autre part, M. A…a exercé des responsabilités importantes au sein de la SA Applicam, en qualité de directeur qualité puis de directeur des opérations et des projets, et qu’ayant occupé ces fonctions du mois de décembre 2001 au mois d’avril 2013, il n’avait donc quitté l’entreprise que moins de deux ans avant le lancement de la procédure litigieuse ; que s’il ne résulte pas de l’instruction que l’intéressé détiendrait encore des intérêts au sein de l’entreprise, le caractère encore très récent de leur collaboration, à un haut niveau de responsabilité, pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance de tels intérêts et par voie de conséquence sur l’impartialité de la procédure suivie par la région Nord-Pas-de-Calais ; qu’il était au demeurant loisible à la région, qui avait connaissance de la qualité d’ancien salarié de la SA Applicam de M.A…, de mettre en œuvre, une fois connue la candidature de cette société, toute mesure en vue de lever ce doute légitime, par exemple en l’écartant de la procédure d’analyse des offres ».

Pour ne pas avoir écarté son assistant à maîtrise d’ouvrage de la procédure d’analyse des offres, la région a manqué au principe d’impartialité et à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Le Conseil d’Etat annule donc la procédure de passation du marché en cause.

Sources et liens

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