Contrats publics : Précisions sur la caractérisation de l’urgence dans le cadre d’un recours « Tarn-et-Garonne »

Dans une décision en date du 18 septembre 2017, la Haute Assemblée vient préciser la caractérisation de « l’urgence » dans le cadre d’un recours dit « Tarn-et-Garonne » (CE, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994) dirigé contre l’exécution d’un contrat.

Au cas d’espèce, sur le fondement de l’article L.521-1 du Code de justice administrative, plusieurs Conseillers communautaires de la Communauté de communes Centre Dombes ont saisi le Tribunal administratif de Lyon aux fins d’ordonner la suspension de l’exécution d’un marché public de conception-réalisation au motif que celui-ci a été conclu par la Communauté de communes avant que celle-ci ne fusionne, avec deux autres communautés de communes.

Par une ordonnance n° 1701388 du 27 février 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Saisi d’un pourvoi en cassation dirigé contre cette ordonnance, le Conseil d’Etat est venu préciser par un arrêt rendu le 18 septembre 2017, les éléments devant être pris en compte par le juge des référés pour caractériser l’urgence dans le cadre d’un recours dirigé contre l’exécution d’un marché public, rappelant par la même occasion la qualité à agir des membres de l’organe délibérant :

« 7. Considérant que les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales qui a conclu un contrat administratif, ou qui se trouve substitué à l’une des parties à un tel contrat, sont recevables à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité de celui-ci, dès lors que ce recours est exercé dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées relatives à sa conclusion, et peuvent l’assortir d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de son exécution ; que, pour apprécier si la condition d’urgence est remplie, le juge des référés peut prendre en compte tous éléments, dont se prévalent ces requérants, de nature à caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate à leurs prérogatives ou aux conditions d’exercice de leur mandat, aux intérêts de la collectivité ou du groupement de collectivités publiques dont ils sont les élus ou, le cas échéant, à tout autre intérêt public ».

Le Conseil d’Etat précise que la condition d’urgence est susceptible d’être remplie lorsque le coût des travaux est susceptible d’affecter de façon substantielle les finances de la collectivité ou du groupement concerné.

En revanche, lorsque, comme en l’espèce, les requérants se bornent à observer que le contrat a été conclu pour un montant supérieur d’environ 17 % à l’estimation initiale, ils n’apportent aucun éléments de nature à établir l’existence d’un impact substantiel sur les finances de la collectivité :

« 8. Considérant que si une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts défendus par les membres de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales est susceptible d’être caractérisée lorsque le coût des travaux qui font l’objet d’un marché public risque d’affecter de façon substantielle les finances de la collectivité ou du groupement concerné et que l’engagement des travaux est imminent et difficilement réversible, les requérants, qui se bornent à observer que le contrat a été conclu pour un montant supérieur d’environ 17 % à l’estimation initiale, n’apportent aucun élément de nature à établir l’existence d’un tel risque ; que, par ailleurs, la circonstance que le contrat ait été conclu par la communauté de communes Centre Dombes avant que celle-ci ne fusionne, avec deux autres communautés de communes, au sein de la communauté de communes de la Dombes, et que, par suite, cette dernière soit tenue d’exécuter un contrat sur lequel elle ne s’est pas prononcée, découle de l’application des règles relatives aux fusions d’établissements publics de coopération intercommunale et ne saurait, dès lors, être regardée comme portant une atteinte grave et immédiate aux intérêts défendus par les membres du conseil communautaire de la communauté de communes de la Dombes ; qu’enfin, à supposer que le choix de recourir à un marché de conception-réalisation ait été en l’espèce illégal, une telle illégalité ne saurait être regardée, par elle-même, comme constitutive d’une situation d’urgence au sens de l’article L. 521 1 du code de justice administrative ».

De même, ne permet pas de caractériser l’urgence, le fait pour un EPCI de conclure un contrat avant sa fusion avec deux autres EPCI et que ces derniers soient tenus d’exécuter ledit contrat.

En effet, cela découle de l’appréciation des règles relatives aux fusions d’établissements publics de coopération intercommunale et ne constitue donc pas, selon la Haute Juridiction, une atteinte grave et immédiate aux intérêts défendus par les membres du conseil communautaire de l’EPCI issu de la fusion.

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