L’interruption du délai de prescription à l’égard de l’assureur

Par un arrêt en date du 4 février 2021, le Conseil d’Etat, statuant en référé, a jugé qu’une demande en justice dirigée contre un constructeur n’interrompt pas la prescription à l’égard de son assureur si celui-ci n’a pas également fait l’objet d’une citation en justice précisant exactement sa qualité.

En 2014, la communauté de communes du Haut-Jura Saint-Claude a conclu un marché public de travaux en vue de l’aménagement d’une médiathèque et des désordres sont apparus après la réception des travaux.

Par une ordonnance en date du 11 juin 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a fait droit à la demande la communauté de communes d’ordonner une expertise sur l’origine et l’étendue de ces désordres ainsi que sur les responsabilités respectives des différentes entreprises intervenues.

Par une ordonnance du 24 octobre 2019, le juge des référés a refusé de faire droit à la demande de l’assureur du maitre d’ouvrage tendant à l’extension des opérations d’expertise à des assureurs de différentes sociétés intervenues durant l’exécution des travaux qui étaient déjà mis en cause au titre d’assureur d’autres entreprises.

La juge des référés de la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel interjeté contre cette ordonnance au motif que la demande en référé du maître d’ouvrage interrompt la prescription, au bénéfice de son assureur, à l’encontre de tous les assureurs des constructeurs.

La mesure n’était donc pas utile puisque les assureurs contre lesquels était dirigée la demande d’extension étaient déjà présents à l’expertise.

Le Conseil d’Etat censure l’ordonnance de la cour administrative d’appel pour erreur de droit sur le fondement de l’article 2241 du code civil en jugeant que :

« Lorsqu’une demande est dirigée contre un assureur au titre de la garantie décennale souscrite par un constructeur, la prescription n’est interrompue qu’à la condition que cette demande précise en quelle qualité il est mis en cause, en mentionnant l’identité du constructeur qu’il assure. A cet égard n’a pas d’effet interruptif de la prescription au profit d’une partie la circonstance que les opérations d’expertise ont déjà été étendues à cet assureur par le juge, d’office ou à la demande d’une autre partie. »

Par cette décision, le Conseil d’Etat revient sur sa jurisprudence antérieure selon laquelle une extension de l’expertise à l’encontre d’assureur déjà présent était inutile.

Par ailleurs, les juges du Palais-Royal retiennent une solution identique à celle de la Cour de cassation (Cass. 3ème civ., 29 mars 2018, n° 17-15.042).

Ainsi, cette solution impose à l’ensemble des parties une grande vigilance si elles veulent conserver ouvertes les différentes actions qu’elles pourraient être amenées à engager.

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