Par une décision du 29 juin 2016, le Conseil d’Etat a retenu, en application de l’ancienne jurisprudence « Bitouzet » (CE, 3 juillet 1998, Bitouzet, n° 158592), la responsabilité sans faute de l’Etat et d’une commune, en raison de l’adoption d’une carte communale ayant entrainé des charges spéciales et exorbitantes pour un propriétaire.
En l’espèce, une commune avait prévu, en 1987, la réalisation d’un programme immobilier avec deux sociétés, et a procédé à la modification du plan d’occupation des sols afin de le rendre compatible avec le projet d’aménagement. Par suite, le projet n’a pu aboutir en raison du défaut de raccordement des terrains d’assiette au réseau d’assainissement.
Toutefois, les sociétés ont fait part de leur volonté de poursuivre le projet en sollicitant, en 2003, un certificat d’urbanisme et deux permis de construire, lesquels ont été refusés, au motif que les constructions projetées ne respectaient pas les prescriptions du POS.
Finalement, la commune a abrogé le POS et approuvé, conjointement avec le préfet, une carte communale procédant au classement en zone naturelle inconstructible de la quasi-totalité des terrains appartenant auxdites sociétés, pour le motif d’intérêt général tiré de la préservation du caractère rural de cette zone.
Les sociétés propriétaires ont alors introduit un recours indemnitaire afin d’obtenir réparation du préjudice subi par elles.
Saisi d’un pourvoi en cassation introduit par les sociétés, le Conseil d’Etat casse l’arrêt de la Cour administrative de Bordeaux en rappelant, tout d’abord, le régime de l’article L.160-5 du Code de l’urbanisme, selon lequel les servitudes d’utilité publique n’ouvrent droit à aucune indemnité, sauf dans le cas où « il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l’état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ».
Par suite, le Conseil d’Etat a rappelé le principe arrêté par la jurisprudence «Bitouzet » précitée, aux termes duquel l’article L.160-5 du Code de l’urbanisme ne fait pas obstacle à une indemnisation du propriétaire dans le cas exceptionnel où le propriétaire supporte du fait de cette servitude une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi.
En l’espèce, le Conseil d’Etat a estimé que « l’approbation de cette carte a eu pour effet d’amoindrir la valeur vénale de sa propriété, laquelle occupe une partie substantielle du territoire de la commune, et de compromettre définitivement ses projets d’aménagement ».
Il a ainsi retenu la responsabilité de l’Etat et de la commune à parts égales pour les préjudices subis par le propriétaire du fait des dépenses exposées pour la réalisation du projet, et de la perte de valeur vénale de son terrain.