1. Par une décision n°371274 du 15 avril 2016, le Conseil d’Etat est venu clarifier les conditions d’indemnisation du préjudice du manque à gagner en cas de refus illégal d’un permis de construire.
2. Dans cette affaire, une société avait déposé une demande de permis de construire sur un terrain ayant fait l’objet d’un compromis de vente, afin d’y construire des logements collectifs. Ce compromis de vente prévoyait une condition suspensive subordonnant la réitération de la vente à l’obtention du permis.
Par un arrêté du 18 décembre 2007, le maire a refusé d’accorder le permis de construire, refus qui a cependant été annulé par le tribunal administratif en première instance par un jugement devenu définitif.
La société a alors recherché la responsabilité de la Commune aux fins d’obtenir réparation des frais d’architecte engagés, mais également du manque à gagner pour la non-réalisation de l’opération projetée, qu’elle a évalué à 180.000€ au titre du bénéfice qu’elle pouvait raisonnablement attendre de l’opération.
Dans un jugement du 10 juin 2011, le tribunal a rejeté la requête au motif que les préjudices subis seraient imputables à une faute de la société n’ayant pas renoncé à la condition suspensive relative à l’obtention d’un permis de construire.
La société a interjeté appel de la décision.
Par un arrêt du 14 juin 2013, la Cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement, en considérant :
– qu’il existait un lien de causalité direct entre l’illégalité du refus, et les préjudices résultant de l’impossibilité de mettre en œuvre le projet immobilier,
– que les préjudices ne pouvaient être regardés comme imputables à une faute commise par la société du fait qu’elle n’avait pas renoncé à la condition suspensive d’obtention du permis de construire.
3. Saisi d’un pourvoi en cassation de la commune, le Conseil d’Etat a censuré l’arrêt de la Cour administrative d’appel, en tant qu’il avait statué sur le préjudice indemnisable au titre du manque à gagner.
Il a en effet considéré que le juge d’appel ne pouvait se borner, pour admettre le préjudice tiré du manque à gagner, à se fonder sur un rapport d’expertise qui avait évalué son montant sur la base d’une opération similaire réalisée dans les communes voisines, « sans rechercher si les circonstances particulières de l’espèce permettaient de faire regarder ce préjudice comme ayant un caractère direct et certain ».
Le Conseil d’Etat a précisé à cette occasion les conditions permettant à opérateur immobilier d’être indemnisé du manque à gagner du fait d’un refus illégal de permis de construire, en considérant :
« que l’ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués ; que la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l’impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d’un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation ; qu’il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières ».
Ainsi, si par principe une telle situation ne saurait ouvrir droit à indemnisation, le Conseil d’Etat admet l’existence de « circonstances particulières » tenant à ce que le requérant invoque des éléments concrets pour démontrer le manque à gagner, tels que des engagements souscrits par les futurs acquéreurs, ou l’état avancé des négociations commerciales avec ces derniers.
L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 14 juin 2013 est donc annulé en tant qu’il statue sur le préjudice indemnisable au titre du manque à gagner, et l’affaire est renvoyée devant cette même cour pour un nouveau jugement.
4. Par cette décision, le Conseil d’Etat a fixé les conditions de principe de l’indemnisation du manque à gagner.