Le Conseil d’Etat a jugé que l’intérêt pour agir d’un requérant s’apprécie au regard de la portée des modifications apportées au projet initialement autorisé, lorsque le permis initial est devenu définitif, notamment du fait de l’épuisement des voies de recours contre ce permis initial (CE, 6ème et 5ème chambres réunies, 17 février 2023, n°454284, Mentionné aux tables du recueil Lebon).
Par un premier arrêté du 30 mars 2016, le maire de Marseille a accordé à une société de construction un permis de construire un immeuble de 67 logements. Si plusieurs voisins du projet ont saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande tendant à l’annulation de ce permis, celui-ci a toutefois rejeté leur demande. Et saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat a confirmé le jugement et rejeté le pourvoi.
Par un second arrêté du 19 décembre 2019, ce maire a accordé à une autre société de construction, à qui le permis de construire initial avait été transféré, un permis de construire modificatif l’autorisant à procéder à plusieurs modifications du projet litigieux. Si les voisins du projet ont, à nouveau, saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande tendant à l’annulation de ce permis modificatif, leur requête a été rejetée.
Saisi à son tour, le Conseil d’Etat a rappelé qu’il résulte des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme qu’il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.
Le Conseil d’Etat a ensuite jugé que, lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre ledit permis, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé.
Le Conseil d’Etat a ensuite rappelé qu’à ce titre, il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tout élément de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Et il revient au juge de l’excès de pouvoir d’apprécier la recevabilité de la requête au vu des éléments versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
Enfin, il a précisé qu’eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt pour agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction ou, lorsque le contentieux porte sur un permis de construire modificatif, des modifications apportées au projet.
Ainsi, en appréciant l’intérêt à agir des requérants contre le permis modificatif attaqué au regard des seules modifications apportées au permis de construire initial, celui-ci étant devenu définitif après le rejet du pourvoi en cassation contre le jugement ayant rejeté leur recours formé contre ce permis initial, le tribunal administratif de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit.
En revanche, le tribunal administratif a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits en estimant que les requérants ne justifiaient pas d’un intérêt pour agir, sans tenir compte de leur situation particulière de voisins immédiats du projet qui permettait bien de justifier, au regard des éléments dont ils faisaient état et qui tenaient à la nature, à l’importance et à la localisation des modifications apportées au projet initial par le permis modificatif, de l’existence de leur intérêt pour agir.